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CONSEIL CONSULTATIF: Les travaux d’hercule de la transition !

Le Ven 09 avr 2010 0

Écrit par Ayouba Karimou (OPINIONS N° 104 du 7 AVRIL 2010)

Finalement, l’Ordonnance tant attendue est intervenue pour la mise en place du Conseil Consultatif qui devrait réfléchir sur les grandes orientations de la période transitoire. Composé de 120 membres de toutes les sensibilités, ce conseil aura la lourde tâche de proposer un calendrier électoral et également la durée de la transition. Mais plus que tout cela, ce qui comptera dans les défis à relever pour le Conseil Consultatif, ce sera l’élaboration des textes qui puissent répondre aux préoccupations de l’ensemble des Nigériens, notamment un Code électoral totalement rénové, une Charte des partis politiques rigoureuse et une Constitution adéquate. La dissertation qui suivra portera sur l’examen de ces trois questions fondamentales pour notre pays. Du nouveau Code Electoral La première expérience du Niger en matière de code électoral remonte à la Conférence Nationale Souveraine de juillet 91. Il était le reflet du rapport des forces politiques en présence à l’époque et traduisait clairement le souci des forces démocratiques pour une démocratie représentative de toutes les sensibilités politiques de cette période quasi prérévolutionnaire.

Attachées aux principes du multipartisme intégral, les forces vives de la décennie 90 avaient voulu d’un code électoral qui pût prendre en compte l’ensemble des sensibilités en vue d’une meilleure représentativité sur l’échiquier politique, social et culturel. D’inspiration libérale, ce Code électoral avait adopté des dispositions très souples aussi bien s’agissant des conditions d’éligibilité (âge, caution peu élevée etc …) que celles relative aux circonscriptions électorales spéciales pour prendre en compte les préoccupations des minorités ethnolinguistiques. C’était-là une innovation totalement originale qui avait abouti dans la pratique à envoyer à l’hémicycle des élus issus de minorités. Parmi les innovations originales, il faut également souligner le mode de scrutin qui avait été retenu par les 1200 conférenciers, c’està- dire la représentation proportionnelle avec le plus fort reste. Malgré l’hostilité du MNSD pour ce mode de scrutin, MNSD qui aurait voulu d’un scrutin majoritaire, les forces vives avaient réussi à imposer leur choix en faveur de la représentation proportionnelle. L’avantage de ce mode de scrutin résiderait dans la chance qu’il donne aux petites formations politiques d’être représentées au parlement.

 
Et d’ailleurs cela s’était vérifié, dès les premières élections posttransition, avec l’émergence de partis comme l’UDPS Amana, le PUND Salama ou encore l’UPDP Chamoua de André Salifou, sans compter la résurrection des partis historiques comme le PPN/ RDA et le Sawaba du révolutionnaire Djibo Bakary. En 99, après la transition de Wanké, au terme d’un fort lobbying du MNSD auprès de certains membres de la junte, la représentation proportionnelle à variante plus forte moyenne avait été retenue. La particularité de cette option, c’est qu’elle favorise les grandes formations au détriment des petites formations, et cela avait été confirmé aux législatives de novembre 99, lorsque ce sont seulement cinq partis politiques sur la quarantaine existante qui avaient pu obtenir des sièges au parlement, et le MNSD s’arrogeant la part du lion ! Si le Code électoral tel que décrit plus haut avait eu l’avantage, à un moment donné de l’histoire, de refléter les préoccupations fondamentales pour une démocratie représentative, en revanche, il avait pêché par certaines de ses insuffisances qui l’avaient rendu souvent inadapté aux exigences d’une démocratie moderne.
 
En effet, notre Loi électorale n’a jamais encadré les conditions d’éligibilité par un seuil minimum du niveau d’instruction qui aurait pu permettre à la représentation nationale de disposer en son sein d’hommes et de femmes lettrés, capables de comprendre le travail parlementaire. L’absence de cette précaution minimale avait eu pour conséquence directe l’envahissement de l’hémicycle par tout un régiment de députés totalement analphabètes qui brilleront d’ailleurs par leurs fort taux d’absentéisme lors des travaux des sessions parlementaires ! La prépondérance de ces analphabètes sur les listes électorales avait eu pour effet de fortement monétiser les élections au détriment du combat d’idées et de programmes. Il n’était point surprenant de voir comment certains commerçants se livraient carrément à l’achat des voix contre espèces sonnantes et trébuchantes ! Cette tare de notre Code électoral s’était traduite par la disparition progressive de la couche intellectuelle qui ne pouvait pas tenir la dragée haute face à des commerçants ‘’LAPPeurs’’ et ‘’PSOPPeurs’’ qui faussaient le jeu électoral par leurs pratiques foncièrement corruptives !
 
Pour remédier à ce phénomène dévalorisant de notre démocratie, et sans verser dans l’élitisme, il serait souhaitable qu’un niveau minimum d’instruction puisse être exigé pour prétendre aux charges d’élus. La même exigence vaudra pour les élus municipaux. De la Charte des partis politiques Tout comme le Code électoral, la Charte des partis politiques actuelle est une des filles de la Conférence Nationale Souveraine dans le prolongement de la proclamation du multipartisme intégral par le Général Ali Saibou en septembre 90. Elle était aussi le reflet fidèle du rapport des forces pendant cette période. Dans ses dispositions, elle avait comme fonctions, entre autres, de concourir à l’expression du suffrage, au développement et à l’enracinement de la démocratie. Concourir aux suffrages signifie que les partis politiques ont le droit de battre librement campagne pour faire élire leurs candidats aux différents scrutins. Ce droit, les partis politiques nigériens l’ont bien compris depuis l’instauration de la démocratie multipartisane, et régulièrement, ils ont pris part aux différentes compétitions électorales, soit individuellement, soit au moyen d’alliances. Parmi les missions fondamentales assignées par la Charte des partis politiques à ceux-ci figure la nécessité de concourir au développement et, surtout, à l’enracinement de la démocratie dans la société.
 
Cette exigence fondamentale suppose avant tout de la part des partis politiques qu’ils doivent se livrer à une tâche d’encadrement de leurs militants et de leurs élus afin de les sensibiliser sur les enjeux majeurs de la démocratie pluraliste. Ce travail d’éducation militante est fondamental, car il permet aussi bien aux militants qu’aux candidats du parti de prendre conscience de l’importance cruciale de la démocratie dans le développement d’une nation. C’est justement dans ce travail d’éducation que la plupart des partis politiques nigériens ont failli depuis près de vingt ans. En effet, l’on a constaté que la plupart des partis politiques nigériens ne vivent que pour et par les élections. C’est souvent à l’approche des élections que l’on ressent un certain regain d’activisme des partis politiques dont les militants se battent pour des postes électifs, souvent synonymes de réalisations personnelles ! Après la grande foire électorale, plus rien à part la routine de quelques réunions hebdomadaires pour les ‘’plus travailleurs’’ ! Cette situation d’absence d’un travail en profondeur pour enraciner la démocratie avait abouti dernièrement à la monstruosité du tazarché, où nous avions assisté, paradoxalement, à la liquidation de la démocratie avec l’aide de certains partis politiques qui avaient accepté, les yeux fermés, d’accompagner Tandja dans sa folie.
 
Car, le tazarché n’était ni plus, ni moins qu’un projet antipartis qui envisageait, à terme, la substitution de la démocratie partisane par la démocratie citoyenne. Délires d’un psychopathe comme Nouhou Arzika ! Ces partis ont oublié leur raison même d’être, aveuglés qu’ils étaient par le gain facile dans le tazarché, qui était la promotion de la démocratie. A l’intention du Conseil Consultatif, il serait souhaitable qu’il se penche particulièrement sur l’exigence du respect scrupuleux de la prochaine charte des partis politiques qui devra contenir des dispositions fermes pour sévir à l’avenir contre les partis politiques bandits qui viendraient à violer, délibérément, cette Charte. Au regard du caractère pléthorique du nombre de partis politiques, il faudrait également songer à des dispositions pour réglementer, à l’avenir, l’autorisation d’exercice de certains partis politiques bandits qui ne prennent, pratiquement, jamais part aux scrutins, mais qui néanmoins, sont champions des alliances et font le plus de bruit au CNDP ou dans les médias ! A notre avis, pour mettre fin à la délinquance politique, un seuil tolérable (5%) de l’électorat à l’échelle d’une région devra être exigé de ces partis pour prétendre exister légalement.
 
Ainsi, au fur et à mesure des élections, on se débarrasserait de tous ces partis bandits coupeurs de route de la démocratie ! De la Constitution Pour terminer ces éléments de réflexion, nous abordons la question de la Loi fondamentale, celle qui est au-dessus de tout l’ordonnancement juridique national. A vrai dire, en matière constitutionnelle, le Niger a beaucoup évolué, passant d’une Constitution aux dispositions floues (Troisième République) à une Constitution aux dispositions pertinentes telle que celle du 09 août 99 qui enfanta la Cinquième République. La Constitution de la Cinquième République est une Constitution référence qui avait permis au Niger de connaître une stabilité politique et institutionnelle jamais égalée dans toute la jeune histoire du processus démocratique au Niger. Cependant, comme toute oeuvre humaine, elle n’était point parfaite, loin s’en faut. En effet, quelques unes de ses dispositions avaient laissé des brèches à des malintentionnés pour s’y engouffrer afin de satisfaire les ambitions purement hégémoniques d’un vieillard atteint de sénilité.
 
En dehors de ces rares dispositions imprécises, la Constitution du 09 août 99 avait eu le mérite d’être prémonitoire dans ses dispositions en verrouillant la limitation des mandats présidentiels afin d’empêcher toutes velléités d’incrustation éternelle au pouvoir. Pour notre part, en dehors de quelques correctifs ou de quelques réaménagements selon la nature du régime qui sera retenu, il serait souhaitable de conserver l’essentiel de cet arsenal constitutionnel de la Cinquième République. Toutefois, nous souhaiterions que parmi les attributions de la nouvelle Cour Constitutionnelle figure celle de pouvoir intimer aux Forces de Défense et de Sécurité (‘FDS), des ordres clairs et nets pour faire respecter les Arrêts de cette Cour ! En effet, si cette disposition avait existé au niveau de la CC de Fatouma Bazai, on aurait pu faire l’économie de tout ce qui est arrivé aujourd’hui : cette grande dame aurait tout simplement, après les premières violations des arrêts de la CC, instruit les FDS de mettre Tandja Mamadou dans les cordes et ainsi préparer et organiser les élections, terminus ! On nous objectera certainement de légaliser le coup d’Etat.
 
Mais non, nous demandons simplement d’augmenter les pouvoirs d’une institution républicaine, gardienne de la Constitution, afin d’être efficace concrètement parlant, car le Président de la République ne saurait être au-dessus de la loi, et la Justice est là pour appliquer la loi. En conclusion, voila quelques pistes de réflexions que nous à inspirées l’Ordonnance mettant en place le Conseil Consultatif chargé de réfléchir sur les grandes orientations de la période transitoire. Espérons que nos préoccupations trouveront un écho favorable auprès de ce Conseil Consultatif.
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