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ORDONNANCE PORTANT CODE ÉLECTORAL: Le CSRD casse le consensus du CCN

Le Dim 06 juin 2010 0

Écrit par Laoual Sallaou Ismaël (Roue de l’Histoire n° 510 du 2 juin 2010)

 Le texte consensuel sur l’avant projet de code électoral issu de la session extraordinaire du Conseil Consultatif National (CCN) du 19 au 23 mai 2010 a volé en éclat suite à l’adoption par le président du CSRD de l’ordonnance portant code électoral. Rien ou presque n’a été retenu des amendements portés par les représentants des forces vives de la Nation. Perçu comme un désaveu pour l’organe le plus représentatif de la transition, réduit à sa simple tribune d’émissions d’avis, le texte adopté par le CSRD n’a pas manqué de réveiller la classe politique nationale et de semer la déception dans les rangs de la société civile active. Un véritable coup dur pour le consensus, même si le CSRD se rétractera dans des dispositions transitoires pour rattraper certains amendements du CCN.

 
Dans les conclusions de son rapport du 23 mai 2010, le Conseil Consultatif National (CCN) prévenait en ces termes : ‘’
-considérant qu’il (ndlr : le CCN) est le creuset des forces vives du Niger et le haut lieu du consensus national ;
-tenant compte de toutes les dispositions pertinentes citées plus haut et du code électoral consensuel de 2004 ;
-adhérant à l’idée que seules des consultations électorales justes et crédibles sont la seule garantie d’une plus grande légitimité des futures institutions de la République et de la pérennisation des acquis démocratiques ; Recommande au Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD) l’adoption du présent avant-projet de code électoral tel qu’amendé par la présente session et annexé au présent avis’’. L’appel du CCN n’a pas été entendu et son anticipation n’a pas non plus produit les effets escomptés. C’est du moins ce qui ressort de l’ordonnance portant code électoral adoptée le 28 mai dernier par le Général de corps d’Armée Djibo Salou qui a pratiquement rejeté les amendements consensuels apportés par ce creuset des forces vives de la nation. Les cinq jours d’intenses travaux du CCN n’ont pratiquement servi à rien, a laissé entendre un acteur de la société civile, membre du CCN, contenant à peine sa déception, s’exprimant à chaud sur l’ordonnance portant code électoral adoptée par le CSRD, signée le 28 mai dernier par le Général de corps d’Armée Djibo Salou. En effet, l’ordonnance a balayé presque tous les points ayant fait l’objet d’amendement de la part du CCN. Des différents amendements apportés par le Conseil Consultatif National, un va seulement être retenu, le point relatif au niveau d’instruction des candidats à la présidence de la République fixé à BAC+3 ou équivalent.
 
Pour tout le reste, c’est le retour à la situation antérieure, telle que proposée dans l’avant projet de code électoral élaborée par le Comité des Textes Fondamentaux (CTF). Le serment confessionnel, relativement au président de la Commission Electorale nationale Indépendante, ayant fait l’objet d’un vote favorable de la majorité des membres du CCN, a été supprimé et remplacé par un serment d’engagement moral non confessionnel. Modification aussi des frais de participation aux élections ainsi que de la caution pour les candidats aux présidentielles. De 10 millions de FCFA retenu par le CCN, le CSRD est passé au double, soient 20 millions de FCFA de caution pour les candidats aux élections présidentielles. Variation significative aussi au niveau des députés qui doivent débourser chacun 250.000FCFA de frais électoraux au lieu de 250.000FCFA par liste retenu par le CCN. Les candidats aux élections municipales pour leur part verseront 10.000FCFA chacun contrairement à l’option de la liste retenue par les représentants des Forces vives de la nation.
 
Autre point sur lequel le CSRD est revenu, c’est la durée du mandat du président de la République. Initialement fixé à 4 ans par le Comité des Textes Fondamentaux (CTF), le mandat sera ramené à 5 ans par le CCN. Le CSRD optera pour la proposition du CTF dans la version finale de l’ordonnance. Révision également de l’âge des candidats aux élections présidentielles. Le CCN avait trouvé un consensus dans la fourchette allant de 35 à 70 ans. L’ordonnance du 28 mai 2010 reviendra sur un plancher de 40 ans et un plafond de 70 ans au plus pour les présidentielles. Retour également de la limite d’âge sur la fonction parlementaire rejetée par le CCN qui a fixé juste l’âge minimum pour prétendre à la députation à 28 ans. Le CSRD, tout en maintenant l’âge de 28 au moins va cependant placer une barre limite de 70 ans au plus pour la fonction parlementaire.
 
Changement aussi par rapport au niveau d’instruction limité au BEPC par le CCN mais remonté au Baccalauréat par l’ordonnance portant code électoral. Autre point de friction soulevé par les acteurs de la société civile et des responsables politiques, c’est les pièces d’identité à fournir au cours des opérations de vote. Le Conseil Consultatif National avait retenu, au vu du caractère rural de la majorité de la population nigérienne, des documents plus larges. Le CSRD maintiendra seulement la carte d’identité nationale, permis de conduire et le passeport, pour, dit-il limiter les possibilités de fraude.
 
Quelques concessions pour la période transitoire.
 
La grogne née de la mise en parenthèse du texte consensuel du CCN dans les rangs des partis politiques devenait de plus en plus pressante. La société civile participant aux travaux du Conseil Consultatif va multiplier les contacts avec la junte et parviendra selon des sources concordantes à trouver un petit recul du CSRD pour la période transitoire. Il faut dire aussi que l’écrasante majorité des opérateurs économiques se plaignant d’avoir été totalement exclus avec l’introduction du niveau d’instruction dans le code électoral, va mener son lobbying auprès de l’Exécutif. Les échos des mécontentements qui fusent de toute part parviendront au CSRD qui consentira finalement un léger réaménagement du texte. Le Chef de l’Etat, le Général de Corps d’Armée Djibo Salou signera le 29 mai 2010 soit le lendemain de l’ordonnance portant code électoral, une ordonnance portant dispositions transitoires en matière électorale. Il semble aussi et surtout que l’implication du Président du CCN, Marou Amadou et du Premier Ministre Mahamadou Danda, de retour des consultations de Bruxelles, ont été déterminante dans le petit recul du CSRD.
 
Aux termes de cette ordonnance, pour les élections durant la période transitoire, la participation aux frais électoraux est fixée à 500.000 FCFA par liste et par circonscription électorale ordinaire pour l’élection des députés ; 100.000 FCFA par candidat pour les circonscriptions spéciales ; 10.000 FCFA par liste et par circonscription électorale pour l’élection des conseillers. Par ailleurs, pour les élections législatives pendant la période de transition, les listes des candidats des partis politiques et celles des candidats indépendants doivent obligatoirement comporter au moins 75% de candidats titulaires, au minimum, du BAC ou équivalent, et 25% au plus pour ceux ne remplissant pas cette condition. Dans le calcul de ce quota, les circonscriptions spéciales sont intégrées dans les régions dont elles relèvent, précise l’ordonnance. Comme on le constate, ces dispositions qui rejoignent les amendements du Conseil Consultatif National ne s’appliqueront que pendant les élections durant la période transitoire du CSRD.
 
Ainsi la junte militaire, sans modifier l’ordonnance portant code électoral du 28 mai 2010 va évacuer quelques points à controverse. Le CSRD s’est donc juste rétracté et le débat reste entier. Dégager un poids moral, se rapprocher du Conseil Consultatif National contrarié par le rejet systématique de ses amendements et être en harmonie avec la communauté internationale au lendemain des consultations de Bruxelles sur l’article 96 de l’accord de Cotonou révisé, tel semble être le sens de cette ordonnance portant dispositions transitoires en matière électorale. Autrement les problèmes du code électoral à controverse, mis en parenthèse par le CSRD, sont juste reportés à l’après transition.
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