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VOTE DES NIGÉRIENS À L’EXTÉRIEUR : Pourvu qu’il n’y ait pas de calculs derrière la tête...

Le Dim 02 mai 2010 0

Écrit par Yahaya Garba (Roue de l’Histoire n° 505 du 28 Avril 2010)

Les choses se précisent progressivement, la junte militaire au pouvoir entend inscrire le vote des nigériens à l’extérieur dans les opérations électorales prochaines. L’annonce a déjà été faite par le colonel Mahaman Souley, membre du CSRD au cours d’une mission d’explication sur les événements du 18 février 2010. Le conseil consultatif national a abondé également dans le même sens à travers le document de proposition d’agenda de la transition adressé au CSRD, à qui il revient dans tous les cas le dernier mot sur tout. A priori, l’idée de faire voter les nigériens vivant à l’extérieur est une initiative louable car il s’agit avant tout de leur droit. Mais faudrait-il que cette initiative soit innocente et dénudée de tout calcul inavoué.

En plus, pour envisager une telle opération, il faut s’assurer des dispositions nécessaires pour mener à bien la tâche au regard de sa délicatesse, de sa dimension et surtout de son enjeu. A l’occasion des scrutins antérieurs, cette option a maintes fois été examinée, mais à chaque fois elle a été reportée à la demande des partis politiques dans leur unanimité au regard des difficultés qu’elle engendre. A la veille des dernières élections organisées par le Président déchu, le comité de reprise du fichier électoral a esquissé un plan d’exécution de cette opération. Le comité a évalué le coût du recensement électoral des nigériens de l’extérieur à environ 900 millions pour une période d’un mois. Mais tout en relevant le déficit de fiabilité et le problème de faisabilité y afférent. On se rappelle déjà des difficultés rencontrées au cours de la reprise du fichier électoral qui a recensé exclusivement les nigériens sur place et ayant l’âge de voter avec sa série de prolongation de la période de recensement non sans laisser un bon nombre de nigériens non inscrits. Plusieurs partis politiques ont souhaité une réouverture de l’opération pour que leurs militants soient pris en compte.
 
Ça et là, cette reprise du fichier électoral a essuyé des critiques par rapport aux lacunes constatées au cours de son déroulement, particulièrement au niveau des nomades dont les mouvements n’ont pas été apparemment pris en compte au niveau de la stratégie du travail. De l’autre côté, des doublons et même des triplons ont été décelés au cours du traitement des listings. Pour le recensement des nigériens à l’extérieur, la formule proposée par le comité était de prendre en compte seulement les nigériens immatriculés et recensés au niveau des ambassades et consulats. Ce qui déjà pose un problème d’efficacité car on sait que beaucoup de nigériens immigrés ou en exode saisonnier ne sont pas recensés au niveau de nos représentations diplomatiques. De l’autre côté, la centralisation et l’exploitation des données collectées vont demander d’immenses ressources financières et humaines qui vont donner du fil à retordre à la junte au pouvoir.
 
Mais le plus difficile et hélas le plus important dans ce processus réside dans le contrôle et le suivi des opérations des votes. De quels moyens dispose le CSRD pour suivre de près ces opérations au niveau des différents pays du monde où résident les nigériens en assurant leur régularité et leur neutralité sur toute la chaîne qui va du bureau de vote à la table de la transmission de la CENI où sont regroupés et diffusés les résultats des opérations électorales ? Et en amont de cette étape, quel est le mécanisme envisagé par le CSRD pour l’impression et la distribution des cartes électorales des nigériens à l’extérieur pour qu’elles se passent dans les conditions d’efficacité et de rigueur requises ? S’agissant cette fois-ci de l’effectif des électeurs qui sortira du fichier électoral de ces représentations diplomatiques qui seront renouvelées à coup sûr d’ici la période des élections, on parle vaguement de 12 millions de nigériens vivant au Soudan, 4 millions au Togo, 2 millions au Mali, une forte population en Côte d’Ivoire, plusieurs autres millions au Nigeria, etc…
 
Ainsi, nul ne peut se faire une idée exacte du nombre des électeurs nigériens vivant à l’extérieur. On sait seulement que les électeurs à l’intérieur se chiffrent à un peu plus de 6 millions selon les résultats du dernier recensement électoral de 2009. Il revient à dire que le jeu électoral risque de se jouer à l’extérieur, loin des responsables de la commission électorale nationale indépendante et des candidats qui n’auront même pas la possibilité de rencontrer leurs militants pour battre campagne. Cela revient à dire qu’au moment où les opérations sont rigoureusement contrôlées et assorties d’une âpre compétition, les choses se passeront ailleurs dans l’incertitude et la plus grande opacité. Alors à qui profiterait cette parade dans le paysage politique nigérien marqué aujourd’hui par l’apparition brutale de certaines formations politiques à contours énigmatiques à l’image du MRSDDamana qui a mobilisé un grand monde et des personnalités bien connues pour leur acrobatie politico-militaire lors de sa première assemblée générale constitutive et dont la naissance a coïncidé avec l’avènement du CSRD.
 
Même les sigles coïncident entre ces deux organes. Il suffit de remplacer la première lettre. Le CSRD se dit certes neutre politiquement, mais cette option du vote des nigériens à l’extérieur suscite légitimement des interrogations au niveau des partis politiques qui sont les premiers concernés par les compétitions électorales quoiqu’on dise. On peut accorder le bénéfice du doute aux responsables du CSRD sur leur neutralité politique, mais il est évident qu’ils n’ont pas manqué de faire la promotion des parents, amis et alliés. C’est en cela que la majorité des nigériens reste sceptique en attendant d’être édifiés par le temps. Aussi, la conséquence du vote des nigériens à l’extérieur peut être perçue sous un autre angle. Au regard de la dimension du travail, le recensement électoral des nigériens à l’extérieur et le traitement des listes peuvent s’étaler sur plusieurs mois alors qu’on s’achemine vers une transition de 12 mois.
 
Cette opération de recensement peut-être un prétexte pour remettre en cause éventuellement ladite durée. Qui sait ? En dehors de la junte au pouvoir d’autres acteurs peuvent exploiter frauduleusement cette ouverture. C’est pourquoi nous pensons que les débats sur le vote des nigériens à l’extérieur doivent être approfondis afin de trouver le formule et le moment adéquat pour permettre à cette frange de nos compatriotes de participer activement à la vie politique de la Nation.
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