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Levée de l’immunité de Tandja : La fin des fins...

Le Sam 25 déc 2010 0

Ecrit par BIACORP

   Il vous souviendra que sur requête du tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, les membres de la Cour d’Etat, toutes Chambres confondues, ont eu à se prononcer sur la levée de l’immunité de l’ex-Président Tandja Mamadou. C’était le mardi 14 décembre dernier. Qu’est ce qui a suscité la levée de cette immunité ? Les faits L’ex-président Tandja Mamadou a été élu à la magistrature suprême sur la base de la Constitution de la 5e République, adoptée par référendum le 18 juillet 1999 puis promulguée le 9 août 1999. Cette Constitution stipulait que le mandat du Président de la République est de cinq (5) ans, renouvelable une seule fois. C’est ainsi qu’il sera élu pour un premier mandat de 1999 à 2004, puis sera réélu pour un deuxième et dernier mandat qui devrait normalement prendre fin le 22 décembre 2009. Contre toute attente, à quelques mois de la fin de son deuxième et dernier mandat, Tandja Mamadou décidera d’organiser un référendum constitutionnel devant lui permettre de conserver le pouvoir pendant trois (3) années supplémentaires.

Il convoquera, à cet effet, le corps électoral par décret n°2009-178/PRN/MI/SP/D du 5 juin 2009, pour la tenue du référendum de la 6ème République. La Cour Constitutionnelle, saisie par un groupe de partis politiques, a rendu un arrêt le 12 juin 2009, annulant le décret portant convocation du corps électoral. Suite à cet arrêt, le Président Tandja procédera à la dissolution de l’Assemblée Nationale puis de la Cour Constitutionnelle. Il passera outre pour faire adopter, le 4 août 2009, une nouvelle Constitution par référendum. En dépit de toutes les tentatives de médiation de la Communauté internationale dont la CEDEAO et l’Union Africaine (UA), il poursuivra son oeuvre de démolition des institutions démocratiques. Ainsi, le 27 octobre 2009, des élections législatives seront organisées pour la bagatelle somme de 10 milliards 863 millions de francs F CFA (10.863.000.000), à la charge de l’Etat nigérien.

Cette situation a engendré un contexte de crise sociopolitique généralisée, suite à laquelle interviendra le coup d’Etat du 18 février 2010. La gestion du Président Tandja Mamadou au cours de son règne A la suite de son renversement, la gestion du Président Tandja sera passée au crible. C’est ainsi que des inspections, audits et autres enquêtes administratives ont relevé que de par sa fonction, le Président Tandja, en complicité avec d’autres personnes a posé des actes contraires à l’orthodoxie financière, lesquels actes sont caractérisés par : la corruption, les détournements des deniers publics, la dilapidation de biens publics, l’enrichissement illicite et de délit de favoritisme. Trois (3) dossiers révélateurs des scandales financiers sous Tandja

1) Le cas de la SONIDEP Une inspection d’Etat, diligentée en octobre dernier dans cette boîte, a permis de découvrir qu’il s’agissait là d’une véritable caverne d’Ali Baba. Pour rappel, la SONIDEP est cette institution de l’Etat qui a pour monopole l’importation et la distribution des hydrocarbures. Son capital est exclusivement détenu par l’Etat du Niger. Cette structure a été dirigée depuis avril 1999 par un administrateur délégué en la personne de Mr. Amadou Dioffo. Dans le fonctionnement de la société, il initiait des opérations commerciales pour le compte de l’ex-Président Tandja en utilisant les ressources financières et les infrastructures de la SONIDEP. C’est dans ce sens que, suivant deux lettres, dont l’une en date du 14 mars 2001 et l’autre datée du 8 septembre 2009, le Président Tandja Mamadou écrivait à son homologue du Nigéria en ces termes :

‘’Au nom du gouvernement et du peuple du Niger, par la présente, je requiers votre accord pour la relance de la commande du pétrole brut à la société nationale du pétrole du Nigeria (SNPN). La quantité de pétrole dont la République du Niger aura besoin basée sur les capacités de raffinage disponibles au Niger est de cent mille (100.000) barils/jour. Soyez informé que le Niger respectera tous les termes commerciaux stipulés par la société nationale de pétrole du Nigeria pour la commande des produits ci-dessus cités.’’ Les premières remarques que l’on relève ici, sont le fait que la demande a été adressée au nom du gouvernement et du peuple du Niger et qu’en plus, à la date de formulation de ces demandes, le Niger ne dispose pas d’usine de raffinage. Ainsi fait, sur la base de ces demandes, des contrats ont été conclus entre SONIDEP et la PPMC.

Les produits pétroliers ont été livrés à un prix préférentiel, c’est-à-dire à un prix bien en deçà de celui pratiqué sur le marché. Les fonds ayant servi à l’achat proviennent de la SONIDEP et les produits de la vente ont été versés à la même SONIDEP. Les mécanismes de sorties de fonds des caisses de la SONIDEP Entre octobre 2000 et 2001, c’est la faramineuse somme de 914 millions 492 mille 653 F CFA (914.492.653 F CFA) qui a été puisée des caisses de la SONIDEP pour être versée à la Trésorerie Générale et à la présidence de la République en règlement de diverses opérations relevant du Président de la République ou des avances accordées. Toutes ces sorties d’argent ont été faites directement par prélèvements sur les comptes de la SONIDEP.

Pour une plus grande discrétion dans ces opérations, il a été décidé de l’ouverture d’un compte spécial à Ecobank-Niger, compte ouvert le 28 novembre 2001 sous le n°01000060043028, au nom de l’administrateur délégué et soumis à sa seule et unique signature. De la date d’ouverture de ce compte jusqu’à sa clôture en mars 2010, il a été enregistré des sorties de fonds estimées à 3 milliards 304 millions 687 mille 865 F CFA (3.304.687.865 F CFA). L’enquête a également relevé une autre interrogation relative au caractère licite ou non, de transferts obtenus sur des sociétés étrangères dont TRAFIGURA et GBM FINANCES pour un montant de 304.522.500 F CFA. Par rapport à cette affaire SONIDEP, l’inspection a mis en relief un préjudice financier d’un montant total de 4.216.621.269 F CFA dont 914.492.653 F CFA décaissées avant l’ouverture du compte spécial et 3.304.678.865 F CFA retirés du compte spécial. Comme nous le disions plus haut, sans occulter le principe de la présomption d’innocence, ces faits, s’ils venaient à être établis, enclencheraient des poursuites pour des faits qualifiés de : détournement de deniers publics et complicité de détournement de deniers publics.

2) Le cas de la Centrale d’Approvisionnement La Centrale d’Approvisionnement est un des démembrements de l’ancienne Union Nigérienne de Crédit et des Coopératives (UNCC) devenue ensuite Union Nigérienne des Coopératives (UNC). Cette Centrale d’Approvisionnement dispose d’une autonomie de gestion et est placée sous tutelle du ministère de l’Agriculture. Elle intervient pour permettre au monde paysan d’obtenir à temps opportun et aux meilleurs coûts, intrants et autres machines agricoles (tracteurs agricoles) afin d’accroître la production alimentaire. C’est à ce titre qu’elle est chargée de recevoir et de distribuer, pour le compte de l’Etat, avec l’accord des donateurs, tous les appuis dont le Niger peut bénéficier, dans son domaine d’intervention. Selon le rapport d’inspection relatif à cette entité, et suite à l’audition de Mr Labo Moussa, ancien ministre du Développement Agricole et Mr Ali Ahmed, ancien directeur de la Centrale, c’est sur instruction expresse de l’ex-Président Tandja Mamadou que le nommé Moussa Dan Foulani, dont il serait l’ami, a été admis à la Centrale d’Approvisionnement comme partenaire.

Entre 2002 et 2010, le Niger recevait, chaque année, de la part de la République Fédérale du Nigeria, un don de trois mille (3000) tonnes d’engrais. Cette assertion sera confirmée par l’ancien D.G. Ali Ahmed ainsi que la lettre n°0618 du 24 mai 2006 du ministre du Développement Agricole du Niger par laquelle, en s’adressant à son homologue du Nigeria, il écrivait ceci : ’’Dans le cadre de l’aide de trois mille (3000) tonnes d’engrais que votre gouvernement a accordé à notre pays, j’ai l’honneur de vous informer que Mr El Hadj Moussa Abdoulaye dit Dan Foulani est mandaté pour négocier avec les autorités de votre pays au nom du ministère du Développement Agricole les modalités de mobilisation du don et de son acheminement au Niger dans les meilleurs délais’’.

Le ministre Moussa Labo, interpellé relativement à cette correspondance, a déclaré avoir agi sur instructions de l’ex- Président Tandja. C’est donc dans ce contexte que, de la période allant de 2002 à février 2010, Moussa Dan Foulani a facturé à la Centrale d’Approvisionnement diverses fournitures pour un montant de 12 milliards 011 millions 350 mille 434 F CFA (12.011.354.434 F CFA). Fort de ses relations avec Tandja Mamadou, Dan Foulani se faisait attribuer, de gré à gré, le marché de transport des engrains, qui était d’ailleurs facturé illégalement. En outre, cet engrais qui était donné gratuitement par le Nigeria, était transporté et vendu par Dan Foulani à l’Etat du Niger à travers la Centrale d’Approvisionnement. Pour se faire payer, l’intéressé utilisait des factures à entêtes différentes.

Interpellé sur cet état de faits, l’ancien directeur de la Centrale d’Approvisionnement a déclaré : ‘’C’est une situation d’inquiétude que j’ai signifiée au ministre verbalement par rapport à la facture. Ensuite, j’ai été convoqué à la Présidence de la République. Avant mon arrivée, le ministre qui était déjà avec Dan Foulani, a expliqué la situation au Président. Une fois rentré, le Président m’a posé une seule question : Avez-vous reçu les trois mille (3000) tonnes ? J’ai répondu oui et il m’a dit il faut payer’’. Il y a lieu de noter également qu’un contrat d’achat de tracteurs a été irrégulièrement octroyé à Dan Foulani pour un montant de 645 millions (645.000.000 F CFA), ce sur instruction de l’ex-Président de la République Tandja Mamadou. Tous ces faits, une fois établis, constitueront des délits de : Favoritisme et complicité de délit de favoritisme, faux et usage de faux en écriture publique et privée, détournement de deniers publics.

3) Le cas des fonds illégalement perçus par Fanatami Mamadou, ex-chef des services financiers de la Présidence Selon l’inspection d’Etat, du 10 mai 2004 au 7 août 2009, il a été découvert que des mises à disposition de fonds ont été opérées au profit de Mr Fanatami Mamadou, alors chef des services financiers de la Présidence de la République. Le montant cumulé de ces mises à disposition s’élève à 510 millions 395 mille 070 F CFA (510.395.070 F CFA). Ces sorties de fonds ne reposent sur aucune pièce justificative. Dans la plupart des cas, elles ont été faites sur simple appel téléphonique de la Présidence ou du ministre de l’Economie et des Finances. Pour sa part, Fanatami a reconnu être le signataire des décharges correspondant aux sommes ainsi retirées du Trésor, cela en exécution aux instructions reçues de l’ex-Président Tandja dont il relevait directement.

Ces sorties de fonds n’ayant pas été justifiées, ne reposant sur aucune pièce comptable et n’ayant pas fait l’objet de régularisation, il y a lieu de retenir, sauf preuves contraires, qui il s’agit là de crime de : détournement de deniers publics et complicité de détournement de deniers publics. L’implication personnelle directe ou indirecte du Président Tandja Mamadou dans ces affaires scabreuses Comme on le voit, pour tous les trois cas cités plus haut, à savoir SONIDEP, Centrale d’Approvisionnement et Fanatami Mamadou, l’implication directe ou indirecte du Président Tandja semble engagée. Pour tous ces faits, commis pendant qu’il était en exercice, l’ex-chef d’Etat Tandja Mamadou est passible de poursuites judiciaires. C’est pour ce faire que la levée de son immunité a été demandée et obtenue auprès de la Cour d’Etat.

Cependant, il y a lieu de relever que même son immunité levée, il ne peut être poursuivi que lorsque le crime de haute trahison, telle que définie par l’Art 118 de la Constitution du 9 août 1999, ait été établie. Cet article 118 dispose : ‘’Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il est jugé par la Haute Cour de Justice. Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé son serment, est reconnu auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des droits de l’homme, de cession frauduleuse d’une partie du territoire national, d’introduction de déchets toxiques sur le territoire national. Lorsque le Président de la République est reconnu coupable du crime de haute trahison, il est déchu de ses fonctions. La déchéance est constatée par la Cour Constitutionnelle au terme de la procédure devant la Haute Cour de Justice conformément aux dispositions de la présente Constitution’’.

Au regard des actes posés, force est de constater que l’ex-Président Tandja a commis l’infraction de haute trahison notamment par la violation de son serment. La violation du serment Selon les dispositions de l’Article 39 de la Constitution du 9 août 1999, la formule du serment est ainsi libellée : ‘’Devant Dieu et devant le peuple nigérien, nous Président de la République élu conformément aux lois, jurons solennellement sur le livre saint :

- de respecter et faire respecter la Constitution que le peuple s’est librement donné ;

- de remplir loyalement les hautes fonctions dont nous sommes investis ;

- de ne jamais trahir ou travestir les aspirations du peuple……………………………… En cas de parjure, que nous subissons la rigueur de la loi. Le serment est reçu par le Président de la Cour Constitutionnelle’’. En prêtant son serment, l’ex-Président Tandja Mamadou s’est engagé à respecter et à faire respecter la Constitution. Or, il se trouve qu’il a failli à son engagement en violant ladite Constitution notamment en ses articles 31 et 115. D’abord pour l’article 31, qui dispose : ‘’ les biens publics sont sacrés et inviolables. Toute personne doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation ou d’enrichissement illicite est réprimé par la loi’’.

Au regard des faits relatifs aux cas SONIDEP, Centrale d’Approvisionnement, mises à disposition de fonds par Fanatami Mamadou, etc…, il apparait évident qui l’ex-Président Tandja Mamadou et autres ont posé des actes en violation de cet article 31 de la Constitution, lesquels actes sont susceptibles d’enclencher des poursuites pénales pour détournement de deniers publics, corruption, faux et usage de faux en écriture publique et privée, favoritisme, blanchissement d’argent, et concussion. L’ex-Président Tandja et ses complices devront en conséquence répondre de leurs actes. Une autre violation de la Constitution du 9 août 1999 est celle relative à l’article 115 qui dispose : ‘’les arrêts de la Cour Constitution ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils lient les pouvoirs publics et toutes les autorités administratives, civiles, militaires et juridictionnelles.’’

Et pourtant, malgré l’arrêt rendu le 12 juin 2009 par la Cour Constitutionnelle déclarant le décret portant convocation du corps électoral anticonstitutionnel, l’ex- Président de la République Tandja Mamadou est passé outre en organisant son référendum. Le refus d’obtempérer à cet arrêt constitue une violation de l’article 115 de la Constitution, constituant ainsi une violation du serment prêté par Tandja. Il doit également répondre du délit de résistance à l’exécution d’une décision de justice, faits prévus et punis par l’Article 196.2 du Code Pénal. Au vu de ces faits, il en découle que l’ex- Président Tandja a commis son seulement un acte de haute trahison, mais aussi un parjure. Quels mécanismes pour poursuivre et juger Tandja Mamadou Comme on le sait, l’intéressé n’est passible que devant la Haute Cour de Justice.

Cette institution n’étant plus fonctionnelle, la solution semble toute trouvée par l’application de la loi n°94-03 du 03 février 1994 fixant le régime applicable à la pension des anciens présidents de la République, tout en reconnaissant le principe de l’inviolabilité et l’exemption de juridiction aux anciens présidents de la République étendu aux anciens chefs d’Etat par la loi n°2001-36 du 31 décembre 2001 qui permet de lever l’immunité de l’ex-Président Tandja. (Suite de la page 4) En effet, l’article 3 de cette loi dispose : ‘’les anciens présidents de la République jouissent de l’inviolabilité et de l’exemption de juridiction. Sauf cas de flagrant délit, ils ne peuvent être entendus, mis en état d’arrestation, gardés à vue, ni poursuivis qu’après la levée de l’immunité qui pourra être ordonnée par la Cour Suprême toutes Chambres réunies.’’

La cour suprême étant dissoute et remplacée par la Cour d’Etat, il appartient à celle-ci de se prononcer sur la levée de l’immunité de l’ex-Président Tandja Mamadou. A présent que c‘est chose faite, l’intéressé répondra, dans les jours à venir, devant les juridictions de droit commun pour les infractions suivantes : détournement de deniers publics, favoritisme, corruption, trafic d’influence, concession, faux et usage de faux en écriture publique et privée et résistance à l’exécution d’une décision de justice. Comme quoi, la descente aux enfers a commencé pour celui que d’aucuns appellent ‘’Baba Tandja’’.

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