Généralités
Avec l'espèce et l'origine, la valeur en douane des marchandises importées constitue l'un des éléments fondamentaux de l'opération douanière.
La valeur en douane est la valeur à déterminer en vue de l'application des droits d'entrée ad-valorem.
En d'autres termes, elle sert de base de taxation, c'est à dire de base ou d'assiette sur laquelle sont calculés les droits de douane.
La théorie de la valeur en douane poursuit trois objectifs principaux :
- Un but fiscal par la détermination de la perception exacte des droits de douane, par la recherche de l'équité fiscale, par le contrôle des flux de devises.
- Un but économique par la promotion du commerce international et partant de la protection de la production nationale en supprimant les disparités des prix entre les marchandises produites localement et celles importées à un prix moindre(application de prix de référence ou de valeurs minimales) et en luttant contre le dumping ou toute pratique commerciale illicite susceptible de mettre en danger le tissu industriel national.
- Un but statistique, par le calcul de la valeur statistique, donnée essentielle à l'établissement de la balance commerciale dégageant notamment les données en valeur et en volume des échanges commerciaux.
I. Définitions et Enonciations :
Pour l'application de la législation et de la réglementation douanières et de certaines législations dont l'administration a la charge, le service est amené à connaître les différentes valeurs énumérées ci-après :
- La valeur à déclarer rendue obligatoire tant à l'importation qu'à l'exportation des marchandises par l'AMF du 31 octobre 1977.
- La valeur en douane, ou valeur taxable définie par les articles 20 à 20 duodecies du C.D. pour l'importation et par l'article 21 dudit code pour l'exportation.
- La valeur transférable, utilisée en matière de règlements financiers avec l'étranger et aux fins de contrôle des changes.
- d'autres valeurs spécifiques à des produits déterminés, exemples:
-- valeurs à l'exportation des produits des mines exportés.
-- valeur de certains produits pétroliers fixée par le ministère de l'énergie.
L'obligation de déclarer la valeur découle des dispositions de l'arrêté du ministre des finances (AMF) n° 13/9/77 du 31 octobre 1977 relatif aux déclarations en douane autres que sommaires.
Lorsqu'une même déclaration est relative à plusieurs espèces de marchandises (article 75 du C.D.) la déclaration de la valeur est exigée pour chacune des espèces des marchandises ainsi déclarées et doit être exprimée en monnaie nationale.
Ce même arrêté exige que des factures concernant les marchandises déclarées soient jointes aux dites déclarations.
Les formes des factures doivent être conformes aux usages commerciaux.
Les factures sont établies selon les termes des principaux modes de règlement financier des marchandises ou incoterms.
Le code des douanes (article 20 duodecies) stipule que l'administration se réserve le droit de s'assurer de la véracité ou de l'exactitude de toute affirmation, pièce ou déclaration présentée aux fins de la détermination de la valeur en douane, et peut demander que des justificatifs complémentaires y compris des documents et autres éléments de preuve relatifs à la valeur déclarée lui soient communiqués.
La non production des factures entraîne l'irrecevabilité de la déclaration en détail. Toutefois, cette dernière peut être enregistrée sur autorisation de l'administration sous réserve de l'engagement du déclarant de produire le ou les factures dans les délais fixés. Par ailleurs, des factures éditées par voie télématique ou par fax peuvent être déposées après authentification par l’importateur ou le déclarant sous réserve qu’il n’y ait pas de doute quant à l’authenticité du document produit.
Dérogations:
- Les marchandises importées à titre de dons ;
- Les marchandises importées par les voyageurs lorsqu'il s'agit d'opérations non commerciales ;
- Envois familiaux à titre de cadeaux ;
- Marchandises importées dans le cadre des régimes particuliers (destinées aux ambassades, aux associations de bienfaisance, marchandises en retour…).
II. Historique
le droit de douane ad-valorem n'est pas une invention de notre époque ; il existait déjà au moyen âge et même avant. Ce qui, jadis, semble avoir fait défaut, c'est l'existence de méthodes précises et fixes d'évaluation et la possibilité d'un recours administratif contre les décisions de l'Administration.
De même, en matière douanière, l'intérêt porté à la valeur est relativement récent.
En effet, jusqu'à la seconde guerre mondiale, les droits de douane étaient spécifiques (c.à.d calculés sur un élément physique : le poids, la surface, la longueur, le volume...).
Or, le rôle du droit de douane est en principe de combler la différence entre le prix intérieur et le prix extérieur, donc de protéger l'économie nationale. mais en période de forte variation des prix et de modifications importantes des parités monétaires, il est impossible de modifier le taux d'un droit de douane aussi souvent que cela serait nécessaire. C'est pourquoi, à partir de 1948, les droits de douane sont devenus le plus souvent et progressivement ad-valorem (en pourcentage de la valeur).
Ainsi, en cas de variations importantes des prix, des fluctuations monétaires ou de poussées inflationnistes, le droit ad-valorem traduit plus facilement ces changements que ne le ferait un droit spécifique.
Au niveau international, le GATT (Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce) dont le but est de favoriser les échanges internationaux a essayé d'harmoniser le commerce mondial :
- En recherchant un système d'évaluation basé sur la valeur réelle des marchandises.
- En neutralisant toutes les procédures jugées peu stables et arbitraires utilisées pour la détermination de la valeur en douane.
Il faut retenir 3 étapes essentielles de cette démarche :
- Genève 1947 : mise au point de l'article VII du GATT. 1er accord sur les principes généraux d'évaluation stipulant que la valeur en douane des marchandises importées :
1° - devait être fondée sur la valeur réelle des marchandises ;
2° - ne devait pas être fondée sur la valeur des produits d'origine nationale ou sur des valeurs arbitraires ou fictives ;
3°- devait être le prix auquel les marchandises importées ou des marchandises similaires sont vendues à l'occasion d'opérations commerciales normales dans des conditions de pleine concurrence.
Toutefois, cet article n'établit que des principes généraux et fournit très peu d'orientation sur les applications pratiques.
- Bruxelles 1953 : la définition de la valeur dite de Bruxelles, en abrégé DVB qui consacre une notion théorique dont les éléments essentiels sont la vente, le prix, le temps, le lieu, la quantité et le niveau commercial.
La DVB se résume dans la notion de prix normal des marchandises, "C'est à dire, le prix réputé pouvoir être fait dans des conditions de pleine concurrence entre un acheteur et un vendeur indépendants l'un de l'autre."
La D.V.B. se présente donc comme une notion théorique et à caractère protectionniste entraînant l'application de nombreux ajustements et permettant aux autorités douanières de rejeter les prix dès lors que toutes les conditions ne sont pas réunies.
- Genève 1973-1979 : les négociations commerciales multilatérales dites du cycle de Tokyo ou Tokyo Round au sein du GATT.
L'objectif de ces négociations était de réaliser l'expansion et une libéralisation de plus en plus large du commerce mondial, entre autres par la suppression progressive des obstacles au commerce dont notamment les réductions tarifaires et les mesures non tarifaires. Les négociateurs aboutissent ainsi à l'élaboration de codes de conduites multilatéraux dont l'adoption d'un code d'évaluation en douane pour l'application effective de l'article VII du GATT, qui repose sur le principe de l'élimination des méthodes divergentes d'évaluation préjudiciables au développement des échanges commerciaux.
A cet effet, le système d'évaluation en douane mis en place est :
- Equitable, c'est à dire basé sur une pratique commerciale réelle ;
- Uniforme, puisqu'il s'appuie sur des méthodes d'évaluation répondant à des critères simples ;
- Neutre, en ce sens qu'il vise à éviter d'augmenter artificiellement la valeur en douane.
Pour atteindre cet objectif, l'Accord part d'une notion positive pour l'évaluation des marchandises à savoir le prix effectivement payé ou à payer des marchandises importées, éventuellement ajusté, baptisée valeur transactionnelle.
en l'absence de valeur transactionnelle, ou aura recours à des méthodes d'évaluation dites de substitution, au nombre de cinq.
Ces six méthodes doivent être appliquées dans l'ordre où elles sont énoncées :
- La première méthode, étant la principale, repose sur la valeur transactionnelle des marchandises réellement importées, c'est à dire sur le prix effectivement payé ou à payer, après ajustements éventuels, dans des circonstances et conditions déterminées (article 20. C.D. + 20 ter).
- La deuxième méthode consiste à déterminer la valeur en douane à partir de la valeur transactionnelle des marchandises identiques (20 quinquiès).
- La troisième méthode permet de déterminer la valeur en douane à partir de la valeur transactionnelle des marchandise s similaires (20 sexies).
- La quatrième méthode consiste à calculer la valeur en douane à partir du prix de revente, déduction faite des frais engagés après importation appelée méthode déductive (20 septies 1°et 2° ).
- La cinquième méthode permet d'établir la valeur en douane à partir des coûts de production ou valeur calculée (20 Septies 3° )
- Si aucune des cinq méthodes ne peut être utilisée, la valeur en douane doit être déterminée par application de la sixième méthode dite "de dernier recours" qui consiste à utiliser des "moyens raisonnables" compatibles avec les dispositions de l'accord (article 20 Octies).