Affaire dite de coup d’Etat déjoué: Entre vérités et dilatoires

Le Lun 28 déc 2015 0

Moins de 48 heures après l’annonce faite par le Chef de l’Etat, Mahamadou Issoufou en personne, dans son allocution, à l’occasion de la célébration du 57ème anniversaire de la proclamation de la République, le 17 décembre 2015, d’une tentative de coup d’Etat contre son régime, les Nigériens tiennent la version officielle des faits. Dans son ton habituel, avec moins de zèle cette fois (sans doute parce que les sujets relatifs à la grande muette demandent une certaine discrétion), Hassoumi Massaoudou, assurant l’intérim de son homologue de la Défense, a dévoilé, aux Nigériens, les tenants et aboutissants des putschistes présumés.

Que faut-il retenir de l’intervention du Colombo nigérien ? Faut-il « boire » sans réserve la potion de Hassoumi Massaoudou ? Ou bien devrons nous nous en tenir à la conclusion hâtive du Chef de file de l’Opposition qui a parlé de pseudo coup d’Etat ? Quelle appréciation peut-on faire à l’heure actuelle, au regard des éléments en possession ?

Décryptage du Hérisson.

Si les Dan Haoua et les Chekaraou n’étaient pas parmi les présumés

Aux premières heures de l’annonce des arrestations dans les rangs de l’armée, sur les réseaux sociaux, la « cellule des rumeurs » a très vite fait de répandre la version d’une épuration ethnique au sein des Forces Armées Nationales. N’est-ce pas que le Président du parti présidentiel, Mohamed Bazoum, avait tendu la perche aux boutefeux avec son expression mal à propos de « officiers ethnicistes » qu’ils (les tenants du Pouvoir) auraient placés dans des coquilles moins dangereuses ?

Mais très vite, des noms sont sortis, parmi lesquels les Dan Haoua et les Chekaraou. Et, les propagandistes d’un autre âge ont rapidement changé de discours pour se cramponner à l’hypothèse d’un cinéma orchestré par le régime pour distraire les Nigériens. Mais, même au nom de la raison d’Etat, peut vraiment sacrifier impunément la vie et la carrière d’officiers qui ont tout donné pour leur pays ?

Un vrai coup d’Etat ?

Le Président de la République, Père de la Nation, Chef Suprême des Armées, garant de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale, a quoi à gagner dans une accusation aussi grave à l’encontre de ses « enfants » (les officiers aux arrêts) ? La pérennisation de son Pouvoir au-delà de la fin de son premier mandat ? Non, cela ne tient pas la route puisqu’ il (Le Président de la République) est en droit de vouloir briguer un second mandat de 5 ans en vertu des dispositions de la Constitution de la 7ème République. Détourner son peuple des problèmes sociopolitiques et économiques de l’heure, notamment l’équation du fichier électoral controversé, l’organisation d’élections libres et transparentes sérieusement mise en doute par son Opposition et cette place peu honorable du Niger de dernier au plan de l’Indice de Développement Humain (IDH) dans le concert des nations ?

Certes, le jeu peut valoir la chandelle mais pourquoi Salou Souleymane, Idi Dan Haoua, Issifi Oumarou, Naré, Chékaraou, Amballi et compagnies sur des centaines d’officiers ? Qu’ont-ils fait pour mériter gratuitement un tel sort ? Autre interrogation suscitée par cet autre argumentaire des adeptes d’un faux coup d’Etat, selon lesquels, le Président de la République nous a habitués à des conclusions hâtives du même genre (référence à la tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat en Juillet 2011 collée au lieutenant Hamballi qui a fini par bénéficier d’un non-lieu) :

Mahamadou Issoufou déjà trompé par ses services en 2011 n’a-t-il pas mesuré le risque d’une seconde conclusion hâtive quand le 17 décembre dernier il a lâché les expressions « tentative malheureuse de déstabilisation » et « haute trahison (…) contre les institutions civiles (…) et la hiérarchie militaire » ? N’est-ce pas qu’en affirmant qu’il y a bel et bien tentative de coup d’Etat, le Président de la République a, cette fois, mieux qu’en 2011, des éléments de preuves, attestant de la véracité de cette accusation grave ?

Des preuves discutables et des ‘’contre preuves’’ légères

Dans son explication des faits, les éléments suivants ont été brandis par Hassoumi Massaoudou : des SMS, des échanges et des correspondances entre les différents présumés putschistes, leurs plans A et B, leur puissance de feu, leurs documents et leurs motivations tournant essentiellement sur la caricature qu’ils font de la situation sociopolitique très délétère du pays. C’est la litanie habituelle dans les coups d’Etat. Mais ce qui tique dans cet argumentaire, ce sont les SMS. Ont-ils échangé avec leurs numéros habituels ?

Si tel fut le cas, le Général Salou Souleymane et ses compères auraient fait preuve de légèreté et d’amateurisme dans la préparation de leur « coup d’Etat ». Aussi en affirmant tout de suite, illico presto qu’aucun élément civil n’est impliqué dans cette tentative de « wankage », Hassoumi Massaoudou qui a bien précisé « à ce niveau de l’enquête » n’est-il pas allé déjà dans la conclusion de l’enquête ? Tout de même, le refus d’obtempérer à l’envoi des hélicoptères dans la région de Diffa pour combattre Boko Haram observé par le lieutenant-colonel Idi Dan Haoua de l’armée l’air, s’il venait à s’avérer, est un élément de taille en faveur d’une insubordination et qui peut présager d’un mouvement d’humeur, pourquoi pas d’un coup d’Etat en préparation.

Pour l’Opposition qui a déjà donné sa sentence qu’il s’agit d’un « pseudo coup d’Etat », tout comme tous ceux qui ne croient pas à la version de la tentative de déstabilisation des institutions de la République, les ‘’contre preuves’’ sont légères. Dans son appréciation de l’affaire dite du coup d’Etat avorté, le Front Patriotique Républicain (FPR), par l’entremise du Chef de file de l’Opposition Seini Oumarou, a vu plutôt une manœuvre du pouvoir tendant à détourner l’attention du peuple des vraies préoccupations de l’heure notamment le sujet épineux du fichier électoral.

Question au Président du MNSD Nassara : à la place de Mahamadou Issoufou, serez-vous capable de sacrifier des officiers supérieurs de l’Etat pour assouvir des ambitions personnelles ? Certes comparaison n’est pas raison, mais s’il le peut, sans doute que Zaki le pourra aussi. Dans la défense des présumés putschistes, on entend aussi d’autres argumentaires du genre « le régime aurait dû attendre de les prendre la main dans le sac » ou « la simplicité et la légèreté du projet de coup d’Etat balancé aux Nigériens par Hassoumi Massaoudou ». Plus simple que le Chef d’Escadron Salou Djibo qui, en plein midi, avec quelques dizaines d’éléments seulement, a éjecté Tandja de son piédestal de la Refondation, on meurt.

Pour l’instant donc, point de conclusion hâtive. L’histoire de ce pays et les leçons du passé nous enseignent que des choses déclarées fausses au départ ont fini s’avérer et vice-versa. Tout de même, au journal « Le Hérisson », on ne peut pas ne pas accorder le bénéfice de doute au Père de la Nation qui normalement ne peut pas confirmer la gravité d’une telle accusation sans des éléments tangibles en sa possession. Encore qu’on nous répondra qu’il a déjà failli une fois sur ce genre de question, mais n’est-ce pas parce qu’il s’est déjà trompé par le passé qu’il faut croire à la version de coup d’Etat avorté ? Zaki va-t-il prendre vraiment le risque d’être mené en bateau deux fois par ses services de renseignements ?
Liste des officiers supérieurs arrêtes dans l’affaire dite de tentative de coup d’Etat

1-Général de Division Salou Souleymane,Inspecteur Général des services des Armées et de la Gendarmerie;
2-Colonel Idi Dan Haoua,Commandant de la Base 101;
3-Lieutenant-Colonel Narey Maidoka,Commandant du Bataillon d’Artillerie de Tillaberi;
4-Lieutenant-Colonel Tahirou Zarma de la Base 101;
5-Commandant Issifi Oumarou, commandant une Unité spéciale anti-terroriste;
6-Capitaine Chekarao Amadou, commandant une Unité spéciale anti-terroriste à Ouallam;
7-Capitaine Issa Amadou Kountché;
8-Lieutenant Korao du Bataillon d’Artillerie de Tillaberi;
9-Sous-Lieutenant Awal Hambally.

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