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Carnets secrets de la Décolonisation, Quand le Député DIORI Hamani défendait les populations au Palais Bourbon

Le Sam 29 août 2015 0

Photomainassara2nAoût 1960–Août 2015, 55 ans déjà que le Niger est indépendant.Mais cette indépendance, avait été précédée par une longue période de décolonisation menée pardes acteurs nigériens de premiers plans comme Djibo Bakary, Diori Hamani, Boubou Hama, Diamballa Yansambou Maiga, DAN GALADIMA, Issoufou Seydou DJERMAKOYE, DIALLO Abdoulaye, LY Souleymane, Noma KAKA, Léopold KAZIENDE (majuscules trop agressives) et bien d’autres hommes illustres du Niger,tous engagés. (Rédiger par  actuniger.com)

Diori Hamani qui était avec Issoufou Seydou Djermakoye, l'un des fondateursen 1946 du Parti progressiste nigérien(PPN), branche locale du Rassemblement démocratique africain(RDA) avait été élu Député représentant du Niger à l'Assemblée nationale française la même année. Aux élections de 1951, Diori est d’abord battu par son cousin et rival politique (Djibo Bakary), avant d'être réélu « haut la main » en 1956.

En tant que Député, il a vaillamment défendu les intérêts de la colonie. J’ai décidé de partager avec vous quelques épisodes de cette bataille pour la survie en vous faisant lire le contenu d’une lettre de l’Instituteur Baré Mainassara en poste à BILMA  à l’époque bourgade historique située à environ 570 km au nord-est d'Agadez, et à1 300 km au nord-est de Niamey,devenue capitale du Niger le 28 décembre 1926.

Face au comportement jugé inacceptable des partisans du Rassemblement Démocratique Africainqui croisaient le fer avec les colons à la fin des années 40,« nombre d’Administrateurs préfèrent continuer à appliquer « les bonnes vieilles méthodes » de la chicotte et de la toute-puissance du Blanc » (André Salifou, in Biographie politique de DIORI Hamani, page 36).

« Mais si les « Commandants » avaient oublié que le Niger était représenté au Palais Bourbon « les évolués nigériens »,eux », écrit le Professeur André Salifoudans le livré cité plus haut, « s’en souviennent parfaitement et ne manquaient aucune occasion pour porter à la connaissance de Diori Hamani, leur Député, tous les abus dont ils sont victimes. Le 22 mars 1947, l’Instituteur Baré Mainassara adressa à Diori une lettre dans l’espoir d’obtenir (de lui) une intervention efficace » en vue d’améliorer les conditions de vie infernales des populations et des fonctionnaires africains en poste à Bilma. A cette époque le salaire ne dépassait guère 5000 FCFA -Franc des Colonies Françaises d’Afrique - loin de celui des fonctionnaires d’aujourd’hui dont certains privilégiés occupant des « coquilles pleines » roulent en 4x4 V8, avec des comptes crédités en centaines de millions menant un train de vie de nababs.

En effet, la lutte avait menée aux côtés de Diori par nombre d’enseignants qui constituaient la majorité « des évolués » de l’époque. Léopold KAZIENDE, l’un des plus intègres et compétents Serviteur de l’Etat, dernier ministre de la Défense de DIORI, a écrit dans le synopsis de son œuvre autobiographique, « Souvenirs d’un enfant de la colonisation, Editions Assouli, 1998) » : « A l’instar de beaucoup d’autres vaillants enseignants nigériens de sa génération, tels Diori Hamani, BOUBOU Hama, NOMA Kaka, DIALLO Abdoulaye ou BAREMainassara, il est gagné par le virus de la politique. Optant alors pour le RDA aux côtés de son ami intime Diori Hamani ».

Retour sur ces moments de lutte avec la lettre du 22 mars 1947 de l’Instituteur BaréMainassara au Député Diori Hamani au Palais Bourbon publiée,comme Document Annexe n°1, aux pages 334 à 336 par Georges CHAFFARD, dans son livre Référence « Les Carnets Secrets de la  Décolonisation, Tome 2 »- Edition Calmann Lévy - 1967


 DOCUMENT-ANNEXE N° 1

LES DÉMÊLÉS DU P. P. N.-R. D. A.

AVEC L'ADMINISTRATION COLONIALE

 

"

 

Lettre d'un  instituteur de Bilma au député Diori Hamani                                     

      Bilma, le 22 mars 1947

     Monsieur le Député,

           J'ai l'honneur de vous adresser cette lettre pour vous rendre  compte de ce qui se passe à Bilma dans l'espoir d'obtenir de vous  une efficace intervention.

Au sortir d'une guerre qui a risqué de la submerger, la France a  consolidé ses assises sociales, politiques et économiques en révisant  ses institutions, et par des lois humanitaires, s'est attachée l'estime  de tous ses enfants. Depuis les dates mémorables des 22 décembre  I945 et 20 février I946, les travaux forcés, les réquisitions, les  internements administratifs et l'ignoble indigénat avec tout ce qu'il  comporte d'arbitraire, ont été abolis, grâce à la salutaire 1 activité  de nos élus. ,

Mais Bilma continue à souffrir et je ne vous en donnerai pour  preuve que ce qui suit :

Une poignée de fonctionnaires Africains vivent à Bilma, pays  de sel, […]. […] isolé de tous côtés par une cloison étanche de plu de 700 km de désert. Ne recevant que 30 kg de mil par famille  comprenant 4 ou 5 personnes, 2 litres d'huile par mois quand des  célibataires européens en consomment 6, et jamais de viande, nous  avons demandé au lieutenant commandant de Cercle d'atténuer  nos misères. Nous ne demandons que peu: le minimum vital' se  résumant à 30 kg de mil par famille et par mois, 5 litres d'huile et  une distribution de viande de 2 kg par semaine. Dans une région

 

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dépourvue de bétail, rien ne s'acquiert que par le troc contre le  sel et les dattes depuis des siècles, auprès de la fameuse caravane  annuelle Azalaï. Le lieutenant commandant de Cercle a refusé de  nous aider en quoi que ce soit, nous incitant à écrire une lettre au  gouverneur du Niger avec forces menaces. Et, soit dans 'le but  d'étouffer en vase clos nos légitimes revendications, soit par crainte  de supporter les conséquences d'une telle négligence, il refuse de  transmettre cette lettre qu'il qualifie de « méchante », parce que  tout simplement nous l'avons rédigée avec le seul esprit d'attendrir  le cœur de l'autorité devant la réalité des sacrifices auxquels nous  sommes astreints dans cet enfer africain. Il ne transmet pas la  lettre, vous dis-je, et ne fait même pas effort pour assurer plus de  25 vies humaines... Dans un moment tragique, comprenant la  gravité du danger et sachant pour une large part l'administration  responsable de nos vies, nous avons téléphoné à M. le gouverneur  du Niger, par la voie du P. P. N. pour demander la résolution du  problème ou notre mutation.

A cette nouvelle, le commandant de Cercle nous fait réquisitionner du mil par le chef du village, à la population qui par elle-même est loin de se suffire dans une zone où il ne pousse pas un pied de mil. Cependant, la Prévoyance et la Coopé disposent dans leurs silos de plus de 25 tonnes de mil : donc double crime.

Le gouverneur entend ce cri de détresse et envoie M. Gosselin,  inspecteur des Affaires administratives du Niger, pour étudier la  question du ravitaillement des fonctionnaires de Bilma.

Dans nos doléances, nous avons cru, en tant que fonctionnaires  africains, mais avant Nigériens, devoir dénoncer au représentant du  gouvernement de la IVème République, certains procédés qui risquent  de masquer aux yeux des indigènes, le vrai visage de la France. 
Nous lui avons dénoncé la survivance de l'indigénat, des réquisitions  et des travaux forcés non rémunérés, condamnés unanimement.

« Pouvez-vous me le mettre noir sur blanc », demande l'inspecteur? Et nous lui fournissons l'interminable liste des exactions  commises tous les jours, comme un défi par les négriers modernes  de Bilma qui pensent que les personnes éminentes qui ont voulu  élever les noirs au rang des blancs sont stupides.

En novembre 1946 : 10 jours de prison ont été infligés au nommé  Mahomane de... pour avoir refusé de donner deux bourricots pour  le travail gratuit du détachement.

I4 décembre : 28 jours de prison à Zara Kosso, femme mariée,  pour avoir non refusé, mais seulement opposé un peu de résistance  quand le goumier Teda a voulu l'arracher à ses travaux de ménage  pour la mener piler gratuitement du mil pour les tirailleurs.

I6 décembre: 1O jours de prison à la prostituée Fadjimata Godela  qui, inquiète sur le sort de son tirailleur qu'elle n'a pas revu depuis  quatre jours et qu'on dit être malade, est venue dans le fort s'enquérir de ses nouvelles.

24 décembre: le nommé Oumara recruté de force a terminé ses  15 jours réglementaires ; Il demande à être relevé pour retourner à ses

                                                            LA DÉCOLONISATION

travaux personnels. Le fils du chef de village n'ayant encore trouvé personned'autre à mettre à sa place, lui répond par des vociférations.  Le commandant de Cercle surprend cette scène et inflige 27 jours de prison au manœuvre Oumara. Plein de chagrin, l'infortuné devient fou par la suite.

11 janvier I947 : les quatre maçons du Cercle: Laouel Labdei, Boundimi, Abda Kagou et Oumar Tourou sont emprisonnés 4 jours pour inactivité au chantier. Que n'a-t-on opéré une retenue sur leur salaire, puisqu'ils sont journaliers?

Quant aux ânes, par dizaines ils sont réquisitionnés au hasard,  tous les jours, par le tirailleur Chekaraou et employés au transport  de cailloux et de briques pour la reconstruction du fort. Leurs propriétaires ne reçoivent aucune location et n'ont même pas le droitde réclamer.

Pourquoi tant de personnes séquestrées sans avoir comparu devant une cour de Justice? Alors qu'il y a un juge de Paix assermenté?

Pourquoi tant de travaux forcés non rémunérés lorsqu'on dispose  un crédit pour toutes choses?

Pourquoi tant de mal, ce procédé d'occupation pour un pays aussi  accablé par la nature elle-même et au moment où Agadès et N'Guigmi obtiennent des administrateurs civils? Il faut un changement et cela s'impose pour l'intérêt du pays, quoique l'inspecteur nous a affirmé l'opposition de Dakar...

Si nous éprouvons des difficultés pour notre ravitaillement, c'est seulement parce que les militaires, nos chefs, sont servis par l'Intendance et prennent tout ce qui arrive par l'Intendance. Imaginez-vous, monsieur le Député, que voilà deux mois que nous n'avons pas un morceau de viande malgré les recommandations de l'inspecteur. L'affaire est en cours, ilparaît que le lieutenant sera traduit devant le Tribunal militaire, mais il faut que cela soit fait et que le coupablesoit puni sévèrement.

Pourquoi, enfin, devant l'évidence de telles accusations, I'inspecteur des Affaires administratives n'a-t-il pas procédé à une enquête ? 
Si ébauchée soit-elle? Obscurantisme ou camouflage ? Heureux les  pays où règnent la Justice et l'équité! Nous, au Niger, nous avons  des bergers-loups et les loups ne se mangent pas entre eux, vous le  savez vous-même.

Voilà ce que nous avons fait, et nous pensons avoir agi dans l'intérêt du pays. Par mes déclarations, je suis particulièrement exposé,  secondé par mes camarades Abolo Boule, Laïdou Tibi, commis-greffier, Gandji Hilaire et Idris Passassis. Pour résister, il a fallu  nous regrouper malgré les intimidations. Parallèlement à nous, le  médecin africain Avoua Gnignou Nicolas a fait les mêmes déclarations parce qu'accusé d'être antifrançais. Je compte donc faire  apparaître ces événements dans un journal. Mais nous comptons absolument sur vous pour sauver le pays. Le P. P. N. est avisé.

Nous sollicitons de votre haute bienveillance, monsieur le Député du Niger,une punition exemplaire assurant la pérennité de l'Union française.
Veuillez agréer, monsieur le Député, l'expression de mes sentiments respectueux et dévoués,

                                                                                   Votre B. M…,

Instituteur.

Contre ceux-là qui font du mal à la France en faisant fi de ses  institutions, en foulant aux pieds ses intérêts supérieurs,

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