Assainissement des finances publiques, plus de 250 milliards dilapidés dans le Programme Spécial de Tandja !

Le Ven 06 avr 2012 0

TandjaSouri2.jpgComme vous le savez déjà, dès l'entame de son mandant, le Président de la République, Issoufou Mahamadou, a engagé une opération d'assainissement des finances publiques, dont le plus emblématique reste désormais l'affaire dite celle des fausses factures du Trésor qui avait conduit plusieurs hauts fonctionnaires de l'Etat derrière les barreaux durant plusieurs mois avant d'être récemment libérés sous condition.

Mais la gestion politique ultérieure de ce dossier aura laissé chez beaucoup de citoyens un goût amer. On ne sait pas trop pourquoi le gouvernement n'a pas transmis à l'Assemblée la demande de levée de l'immunité parlementaire de Zakou Djibo conformément à la requête du Procureur de la République. Zakou Djibo ne sera jamais entendu par la Justice, tous les protagonistes du dossier précédemment arrêtés sont en liberté, le dossier est vidé comme disent les juristes. Ce dossier estil à peine évacué que surgit un rapport d'enquête menée au niveau du Programme Spécial de Tandja Mamadou entre la période 2000 et 2011.

Pour le moment, nous taisons volontiers l'auteur de ce rapport d'enquête, sachez tout simplement qu'il s'agit d'une importante institution actuelle de notre pays. Cette institution a jeté un oeil inquisiteur sur le fameux Programme Spécial de Tandja et ce qu'elle a y découvert est effarant. Mais avant de prendre connaissance du contenu de ce rapport d'enquête, il nous paraît judicieux de nous appesantir sur ce Programme, ses origines, ses réalisations et son bilan final.

Les fonds PPTE, matrice du Programme Spécial

Le président Tandja Mamadou n'avait jamais appliqué le programme politique sur la base duquel il avait été élu, d'abord en 1999, ensuite en 2004, encore qu'un tel programme eût réellement existé ou du moins, il fût réalisable. En effet, tout au long de ses deux quinquennats, le Programme Spécial avait été l'alpha et l'oméga du règne décennal de Tandja Mamadou. Lorsqu'il avait accédé à la magistrature suprême du Niger à l'automne 99, le Lieutenant- colonel Tandja Mamadou avait trouvé un environnement international propice suite à la crise du surendettement qui frappait depuis des décennies les Etats de l'Hémisphère sud de façon injuste pour des dettes déjà amorties mais dont les intérêts moratoires continuaient à plomber le décollage économique de ces pays.

Le Niger faisait partie de ce groupe d'Etats obérés de dettes qu'ils ne pouvaient payer sans sacrifier leur développement durable sur l'autel du service de la dette. La bonne conscience du capitalisme impérialiste avait alors arrêté des critères pour être éligible aux fonds PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) destinés aux actions de développement. Le Niger avait été élu à ces fonds PPTE dans les années 2000. Ce sont donc ces fonds PPTE qui vont constituer au Niger la sève nourricière du Programme Spécial durant une décennie. On peut sans risque de se tromper affirmer que si les fonds PPTE n'avaient pas existé en 2000, très certainement que le Programme Spécial n'aurait jamais vu le jour !

Les fonds PPTE étaient en fait des remises de dettes consenties aux pays bénéficiaires qui devaient les réinvestir dans des secteurs de développement socio-économique. Ces fonds avaient donc une origine nationale, puisque c'était le service de la dette extérieure du Niger qui était converti en donation. On imagine que les fonds que le Programme Spécial avait engagés sur cette période sont impressionnants, même s'il pouvait s'agir d'accessoires de dettes qui avaient été rétrocédés à notre pays. Le Programme Spécial de Tandja était tel qu'on pouvait se demandait s'il existait à l'époque un seul domaine qui lui échappât encore. Dans ces mêmes colonnes, nous avions déjà souligné le fait que si ce Programme Spécial était noble dans sa conception, il n'en demeurait pas moins qu'il restait décevant dans sa réalisation.

A d'autres occasions, nous avions largement démontré cette assertion. Dans le cadre restreint de cet article, nous prenons le seul exemple des 1000 classes (soit 10.000) promises par le président Tandja dès l'entame de son premier mandat. En 2010, date la chute du dictateur Tandja, on était loin de ce chiffre, pire, jamais au Niger le nombre des classes paillotes n'avait connu de tels sommets, sans compter les classes préfabriquées qui avaient été une autre trouvaille du régime Tandja pour ''développer l'école nigérienne'', une affaire plutôt préfabriquée pour enrichir la famille, le clan et les amis.

Voilà, de manière succincte ce que fut le Programme Spécial de Tandja, les circonstances historiques de son éclosion, son domaine d'intervention et son héritage, c'est-à-dire ses réalisations. A présent, abordons le contenu de ce rapport d'enquête dans ses grandes lignes.

Le Programme Spécial ou l'arbre qui cachait la forêt

Il ressort de cette enquête que plus de 250 milliards de nos francs avaient été engagés par le Programme Spécial pour des résultats catastrophiques. Il convient de souligner que c'est dans les années 2000 que le Programme Spécial avait démarré ses activités. Ce Programme était directement placé sous la responsabilité du président de la république luimême. Les fonds étaient gérés sous son impulsion et selon ses instructions. Ce n'est que lorsque certaines voix se furent élevées qu'intervint le 26 août 2002 le décret portant attribution, organisation et fonctionnement du Comité National de Pilotage du Programme Spécial, qui place le Programme Spécial sous la responsabilité du Directeur de Cabinet Adjoint du président de la république (Dircaba).

Ce sont donc les différents dircaba de la présidence et les différents ministres du Développement Communautaire qui vont régenter le Programme Spécial pendant une décennie, avec la complicité active des gouverneurs de régions, de certains élus locaux et de conseillers placés à la tête des régions et nommés par le président de la république. Il ressort clairement de ce rapport que dans son exécution le Programme Spécial a été plutôt sélectif, car il a plus concerné certaines localités par rapport à d'autres, que les besoins n'ont jamais été exprimés de la base au somment comme on avait voulu le faire croire, et enfin les infrastructures socio-économiques prévues ont été pour la plupart mal échafaudées.

Le rapport révèle également que Les règles et procédures en matière de passation de marchés publics n'ont pas été souvent respectées, la plupart des marchés ayant été attribués de gré à gré pour entretenir une certaine clientèle politique. En outre, le Programme Spécial n'avait jamais fait l'objet d'une évaluation comme cela l'avait laissé entendre à une certaine époque. Deux aspects essentiels, par exemple, vont nous intéresser dans ce rapport : le volet crédit féminin et le volet électrification rurale. En effet, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, le Programme Spécial s'était ainsi intéressé aux femmes rurales en leur octroyant des micro crédits pour entreprendre et développer des activités génératrices de revenus.

Nous nous souvenons encore de ces images télévisées sur lesquelles on montrait une bonne dame, la cinquantaine bien sonnée, trimbalant une gros sachet noir (layda) remplie de liasses, distribuant de l'argent aux femmes du village, sans aucune garantie de recouvrer un jour ces créances. Ainsi, près de deux milliards de nos francs avaient été gracieusement distribués par Habsou Ali, la dame au layda noir de toute à l'heure, sans possibilité de recouvrer un jour cet argent.

Vous l'aurez sans doute constaté que le décret du 26 août 2002 ne mentionnait pas le nom de cette bonne dame, et pourtant, elle était un véritable comptable public de fait qui se déplaçait avec un ordre de mission précis dûment signé par la présidence, recevait les fonds des paieries locales pour aller les distribuer à sa convenance l Vous aurez également relevé que le Ministère du Développement Communautaire n'était pas mentionné par le décret 26-8-2002, et pourtant ce ministère sera de près associé à toutes les réalisations du Programme Spécial. Nous reviendrons plus tard sur ces deux aspects lorsque nous aborderons les mesures conservatoires concernant les principaux acteurs de ce mélodrame national. Nous en venons à présent au second volet de ce rapport relatif à l'électrification rurale.

On parlerait de près d'une soixantaine de milliards qui auraient été engagés par le Programme Spécial et que la Nigelec n'aurait reconnu que moins de deux milliards de ce montant. Il résulte de ce rapport que des études techniques n'ont jamais été faites pour évaluer les besoins réels des populations rurales en énergie électrique. Ce qui a eu pour conséquence directe les baisses de tensions fréquentes constatées sur le réseau de l'interconnexion qui avaient fortement perturbé la fourniture en énergie électrique sur l'ensemble du pays durant des années. A ce niveau, les gouverneurs de régions ont eu de grandes resresponsabilités pour avoir été les superviseurs attitrés des travaux d'électrification dans ces localités. Maintenant, nous en arrivons aux différentes responsabilités qui se sont jouées dans ce dossier scandaleux du Programme Spécial.

Les responsabilités et les mesures urgentes à prendre

Au titre des premières responsabilités à situer dans cette affaire, c'est d'abord l'implication du président de la république luimême dans la gestion de ce programme avant l'intervention du décret 26-8-2002, car pendant plus de deux ans le Programme Spécial avait été exécuté sur sans aucune base légale. D'abord, il convient de préciser que sur le plan constitutionnel, le président de la république n'a pas compétence pour gérer directement des fonds publics, il jouit à cet effet de ce qu'on appelle une immunité de gestion. S'il le faisait, il pourrait se voir opposer la violation des articles 59, 60, 61, 88 et 89 de la constitution du 09 août 1999.

D'ailleurs à ce sujet, le rapport préconise que le Gouvernement de la Septième République demande au Conseil Constitutionnel de Transition (CCT) de se prononcer sur la constitutionnalité de ce décret et de dire le sort des vingt milliards déjà engagés par le président entre 2000 et 2002. C'est cette même constitution de 99 qui disposait que ''les biens publics sont sacrés et inviolables, et tout citoyen a le devoir sacré de les protéger'', à commencer par le président de la république. En réalité, sous le couvert de ce décret, on s'était livré à des actes de détournements de deniers publics et autres malversations financières dont seule la Cinquième République de Tandja avait le secret.

Après la responsabilité du président de la république, viennent celles des dircaba du président Tandja qui étaient les coordonnateurs nationaux du Programme Spécial, ensuite celles des différents ministres en charge du Développement Communautaire qui hiérarchisaient les besoins en collaboration directe avec les ministères dépensiers, puis celles des gouverneurs de régions ainsi que les conseillers placés à la tête des régions. Tout ce beau monde avait le droit de visas sur les décomptes autorisant les marchés publics. Mieux, les conclusions de ce rapport vont plus loin en suggérant que tous les dircaba du président de la république et les différents ministres du Développement Communautaire soient entendus par la Justice sur ce dossier.

Maintenant, la balle est désormais dans le camp du Président de la République qui devra donner une suite favorable à ce dossier conformément à son serment coranique de juger entre les hommes en toute équité. Il a pris l'engagement solennel devant Dieu et les hommes de ne couvrir personne, fût-il de son entourage, lorsque des preuves concordantes sur la culpabilité de cette personne sont clairement établies. Si aujourd'hui la Septième République peine à prendre son envol, c'est principalement dû aux atermoiements constatés dans la restauration de la justice sociale à tous les niveaux de la société, après les désastreux quinquennats de Tandja Mamadou. Plus on soldera mieux les comptes du passé, plus on laissera ouverts ceux du présent et de l'avenir.

Cet assainissement est une nécessité, mieux un impératif catégorique que le Président de la République devra rigoureusement poursuivre et intensifier afin de guérir le Niger de la plaie infamante de la corruption, des détournements de deniers publics et autres pratiques mafieuses qui n'ont pas droit de Cité dans un Etat sérieux et responsable. Lorsqu'il était un fervent opposant politique au Niger, Zaki ne professait-il pas le grand principe de précaution suivant : ''Aba gawa kashi, dan maï rey yaji soro'' (Il faut fouetter le mort pour que le vivant ait peur).

Qu'est-ce qu'attend aujourd'hui le Président Issoufou pour frapper ces morts que sont ces anciens tazarchistes qui se posent de nos jours en de véritables parangons de vertu républicaine, eux qui, hier seulement, avaient touché le comble de l'impéritie et de la prévarication à leur stade le plus achevé, lorsqu'ils avaient entre leurs mains les destinées du Niger ? En portant au pouvoir Issoufou Mahamadou au printemps dernier, le peuple nigérien voulait avant tout saluer la détermination, la cohérence et la constance de son engagement politique que ni le temps, ni les différentes adversités qu'il avait connues tout au long de sa carrière politique n'avaient jusque-là altérées.

Les Nigériens, en l'élisant à la magistrature suprême du pays, auront souhaité de sa part le défi de la grandeur passée du Niger des Trente Glorieuses avec le rétablissement de la justice sociale, d'une école publique juste et égalitaire entièrement à la charge de l'Etat, le retour aux vertus du mérite et de la compétence dans la promotion aux emplois publics, bref de tout ce qui avait fait le rayonnement d'antan de ce Niger contemporain à son âge d'or. Le secret de cette génération dorée d'hommes d'Etat nigériens de cette période résidait essentiellement dans la foi et l'amour de la justice sociale, doublée d'un patriotisme ombrageux qui n'avait envie que les seuls intérêts de la nation nigérienne à tous moments et partout dans tout ce qu'ils entreprenaient.

Voilà, pourquoi, nous estimons que le Président Issoufou qui se veut un héritier et un reconnaissant de ces grands hommes d'Etat du Niger devra profondément méditer cette célèbre phrase de l'écrivain catholique, Pierre de Chardin : " Rester fidèle au foyer des ancêtres, ce n'est pas en conserver les cendres, mais c'est en transmettre la flamme ".

Pour beaucoup de nos compatriotes, le président Issoufou n'a pas définitivement déçu, cependant, le constat reste mitigé. A lui de montrer toute sa ''tigritude'' en nous démontrant que Zaki reste ce Zaki que nous avons toujours connu et craint, mais surtout tant admiré !

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