Tandja de retour ?
Des enregistrements audio circulent actuellement dans les téléphones portables à la vitesse d’une rumeur folle. Une voix familière, celle de l’ancien président nigérien Tandja Mamadou, recevant pour l’occasion la délégation MNSD Nassara de Tahoua, retient particulièrement l’attention. Dans ce son, Tandja toujours égal à lui-même, se prononce sur la situation socio politique de son pays. Il faut dire que l’heure s’y prête à merveille, puisque nous sommes effectivement dans une période de « tension politique » où les déclarations de soutien en faveur de X ou Y, s’égrènent les unes après les autres. A priori, le « vieux » est dans son bon droit de s’exprimer sur des questions touchant à la vie de son pays. A l’occasion, il a parlé de la participation de ses lieutenants au gouvernement d’union nationale, d’un prétendu deal pour se « débarrasser de Hama contre relaxe pour Foukori », des politiques sociales et économiques mises en œuvre par le gouvernement, des 400 milliards qu’il aurait laissé au trésor national, etc.
Il faut reconnaitre que les propos « volés » de l’ancien président ont provoqué un véritable séisme dans le microcosme politique nigérien. Le camp présidentiel a été fortement « embarrassé », pour ne pas dire « ébranlé » par les révélations de Tandja, tandis que du côté de l’opposition, une grande partie applaudissait fermement pendant que l’autre restait circonspecte et médusée. Nombreux sont les observateurs qui ont noté que, les propos de « baba » Tandja, pour véridiques soient-ils, sont celui d’un opposant politique qui n’arrive pas à s’assumer. Tandja « critique » particulièrement la manière dont son successeur Mahamadou Issoufou pratique la politique, il se dédouane sur la participation des « Albadé » au GUN après les y avoir sans doute incité, il rappelle comment lui il pratiquait la politique en son temps, il minimise le leadership de ses héritiers du MNSD et du MODEN, en évitant de parler d’eux, il accuse les putschistes qui l’ont déposé d’avoir dérobé la somme de 400 milliards, et il se pose implicitement en rassembleur de la famille MNSD qu’il sait, désormais divisée.
Faut-il y voir déjà un « come back » de Tandja ? Beaucoup de militants du MNSD et même de MODEN, le désirent ardemment. Ni son âge (76 ans), ni les dispositions constitutionnelles sur l’âge du candidat à la présidence (70 ans), ni celles relatives à la limitation des mandats, ne les découragent nullement. Leurs arguments sont simples : Rien ne va plus présentement, ni dans le pays ni au MNSD, Seyni manque de charisme, le parti est divisé et il n'ya que Tandja pour recoller les morceaux, mais surtout arrêter la progression de Mahamadou Issoufou et l’empêcher de rempiler pour un second mandat. Il paraitrait même que c’est toute l’opposition qui le désire. Dans l’incapacité de trouver un consensus sur le leadership de l’ARDR, les trois fortes têtes de ce front politique, lorgnent naturellement vers le « vieux » qui bénéficie encore à leurs yeux, d’une certaine audience auprès de l’opinion. Son bilan de la 5ème République, mis à part le tazartché, est un label intact. Hama Amadou aurait, lit-on dans certaines presses, déjà fait la proposition à Tandja Mamadou d’être le candidat de l’ARDR contre Issoufou Mahamadou accusé de traficoter de tous les cotés pour passer en force en 2016. Bien avant cet emballement autour de Tandja, l’on se souvient que certains « Tazartchistes », avec Nouhou Arzika en tête, clamaient et annonçaient dans toutes les tribunes et sur tous les toits, un retour salvateur de Tandja Mamadou sur la scène politique. C’est désormais chose faite. A moins d’un démenti formel de sa part, l’opinion nationale et même internationale est désormais convaincue que Tandja Mamadou veut revenir. D’ores et déjà, les gens s’agitent de partout, autour de lui, pour trouver le bon positionnement.
Que faut-il comprendre ?
A regarder de près, toute cette fébrilité autour de l’ancien président du Niger, un personnage, il faut avoir le courage de le reconnaitre, appartenant au « passé politique », ne présage rien de bon, ni pour Tandja lui-même, ni pour la classe politique actuelle, ni pour le Niger en définitive.
Rien que l’idée de « retour de Tandja » en elle-même constitue une véritable régression intellectuelle et politique pour le Niger. En effet, vue la faute historique gravissime commise par ce monsieur, faire appel à lui, seulement deux ans après qu’il ait été débarqué par les militaires, traduit non seulement l’amnésie collective des nigériens, mais l’incapacité de ces mêmes nigériens à aller de l’avant. Tout laisse supposer que les nigériens ont oublié, aveuglés qu’ils sont par la misère du quotidien et l’avalanche de discours pessimistes.
Le retour de Tandja, s’il est avéré, est surtout un cinglant camouflé pour le leadership de Mahamadou Issoufou et, au delà, de toute la classe politique nigérienne. Dire que Tandja Mamadou revient au devant de la scène, avant même que certaines victimes du Tazartché n’aient fini de digérer leur amertume, veut non seulement dire que le Niger est dans une « dépression politique », mais surtout dire que toute la classe politique actuelle ne vaut absolument rien. Incapable (pouvoir comme opposition) de proposer une alternative capable de faire « oublier » ou « enterrer » Tandja, celui-ci revient naturellement en surface.
Toujours en regardant de près, la chose n’est pas également bonne pour Tandja, pour son honneur, et pour l’honneur du Niger en général, si tant est que nous en avons besoin. Pour Tandja, il pourrait bien s’agir d’un syndrome bien connu des psychologues, un syndrome affectant généralement les personnes ayant assumé des hautes responsabilités et qui consiste pour elles à rabâcher chaque jour et toujours « … en mon temps …. En mon temps ! ». C’est dommage, car le sieur Tandja, même avec sa faute historique grave, aurait pu rebondir sur la scène nationale et africaine autrement, en faisant amande honorable et en jouant le médiateur efficace qui allait éteindre le feu politique qui est en train de couver dans son pays.
L’un dans l’autre, cela contribue à donner à nous-mêmes et à tous ceux qui font commerce avec nous, une image pour le moins dégueulasse et dégradante : Un agrégat d’individus, incapables de se structurer autour d’une plate forme dynamique, des incorrigibles incapables de se surpasser pour aller de l’avant…