Dimanche, sept soldats américains des forces spéciales ont été blessés par un jet de grenade sur un camp de l’Otan à Kunduz, dans le nord du pays. Samedi, deux conseillers militaires américains avaient été tués dans une fusillade au sein même du ministère de l’Intérieur, à Kaboul. Cet événement, revendiqué par les talibans, a conduit la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France à retirer leur personnel travaillant dans les ministères afghans.
Toute la semaine dernière a été marquée par une extension à l’ensemble du territoire des manifestations. Même les provinces et districts réputés les plus calmes et hostiles aux talibans, comme celle de Bamyan, ont été en proie aux manifestations d’hostilité à l’Amérique. Vendredi, le consulat des Etats-Unis à Herat a été assiégé. Bilan : trois morts. En tout, il y a eu au moins une trentaine de morts au cours de cette semaine sanglante, et une centaine de blessés. La plupart des victimes ont été tuées ou blessées par balles.
Les excuses du président des Etats-Unis lui-même n’y ont rien fait. Les appels au calme et à la manifestation pacifique lancés dimanche par le président Hamid Karzaï n’ont pas (encore) eu d’effets. Il est d’ailleurs possible qu’il n’en ait pas. La situation politique de l’Afghanistan est telle que la légitimité du chef de l’Etat afghan est fragile. Ses relations avec son protecteur américain se dégradent. Washington préfère négocier directement, et sans lui, avec les talibans une sortie en bon ordre, en 2014, du bourbier militaire dans lequel ses 100 000 soldats sont plongés. D’ailleurs cette situation engendre un vide politique propice à l’installation du chaos. Les Afghans ont une présidence caractérisée par sa faiblesse et les Américains se préparent à les abandonner en négociant directement avec l’ennemi, en territoire étranger et sans se soucier d’associer les autorités du pays aux discussions. Entre les capitales occidentales et Kaboul, le fossé se creuse ; et les forces étrangères n’ont gagné ni les cœurs, ni les esprits des Afghans. Entre eux aussi, le divorce est consommé et la colère des Afghans est donc exacerbée par l’incertitude et le sentiment de trahison.
Dans cette affaire, le comportement abject et/ou stupide des soldats américains a rajouté une difficulté supplémentaire à la problématique militaire et politique. Les dix années de guerre menée par la coalition occidentale ont été ponctuées par nombre de brutalités injustifiables. Violations, bavures, tortures, humiliations qui ont alourdi inutilement le tableau des souffrances infligées au peuple afghan. Les soldats américains qui participent à cette guerre ont certainement été formés dans la perspective de libérer les Afghans des talibans et d’al-Qaïda, de leur apporter la démocratie, les droits de l’homme, le développement et l’ouverture à la modernité. Evidemment, dans ces conditions, l’accueil a certainement été très déstabilisant et l’incompréhension a fait le reste.