A la contestation politique se sont ajoutés plusieurs mouvements sociaux portant sur les salaires ou les conditions de travail, dans les arsenaux de Port-Saïd (nord-est), dans plusieurs sociétés privées travaillant sur le canal de Suez (est) ou encore à l'aéroport du Caire.
Durcissant le ton à l'égard des manifestants qui ont rejeté toutes les mesures d'apaisement du régime, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, a prévenu que l'armée interviendrait "en cas de chaos pour reprendre les choses en main".
"Si cela arrive (...), les forces armées se verront obligées de défendre la Constitution et la sécurité nationale de l'Egypte. Nous serons dans une situation très dangereuse", a-t-il dit, selon l'agence officielle Mena qui reprenait une interview accordée par le ministre à la chaîne Al-Arabiya.
M. Aboul Gheit a aussi accusé les Etats-Unis, un allié de l'Egypte, de chercher à "imposer" leur volonté à l'Egypte par leur exigence de réformes immédiates, dans un entretien à la chaîne américaine PBS.
Déjà mardi, le vice-président Omar Souleimane avait averti qu'une fin immédiate du régime "signifierait le chaos".
Les propos de M. Souleimane ont été dénoncés par l'opposition, dont les Frères musulmans, bête noire du régime. "Il s'agit d'une menace inacceptable aux yeux du peuple égyptien", a affirmé un responsable de la confrérie. Les manifestations "continueront quelles que soient les menaces".
L'armée, épine dorsale du régime, a été appelée le 28 janvier en renfort de la police, en particulier pour faire respecter le couvre-feu instauré au Caire, à Alexandrie (nord) et Suez (est) de 20H00 (18H00 GMT) à 6H00 (4H00 GMT). Présente autour de la place Tahrir, elle n'est pas intervenue pour faire partir les milliers de manifestants anti-Moubarak qui s'y sont installés jour et nuit.
Les manifestants refusent d'ailleurs de lâcher prise, exigeant toujours le départ immédiat de M. Moubarak, 82 ans, qui a promis de s'effacer à la fin de son mandat en septembre et formé une commission pour amender des articles contestés de la Constitution, liés à la présidentielle.
"Je n'ai pas peur, j'ai déjà vu la mort", a assuré Ahmad Talal, un étudiant de 25 ans, parmi une foule dense agitant des drapeaux égyptiens place Tahrir. "Je ne crains pas les paroles ou les menaces de Souleimane, parce que nous sommes là pour gagner notre liberté et celle de notre pays".
Non loin de là, des centaines de manifestants ont encerclé le Parlement et le siège du gouvernement au Caire, situés l'un en face de l'autre. Les deux bâtiments étaient protégés par des blindés et le Conseil des ministres a dû se tenir dans un autre lieu.
Les manifestants anti-gouvernementaux ont été galvanisés par la foule monstre rassemblée la veille place Tahrir, où, selon des photographes de l'AFP, le nombre des protestataires a été le plus important depuis le début de la contestation.
La révolte a aussi touché la ville d'Assiout, au sud du Caire, où des manifestants anti-Moubarak ont bloqué une voie de chemin de fer et coupé une autoroute reliant le nord et le sud du pays à l'aide de pneus brûlés.
Des manifestants ont également saccagé un bâtiment officiel dans la ville de Port Saïd (nord-est), à l'entrée méditerranéenne du canal de Suez.
Parallèlement, la vie a continué de reprendre son cours au Caire, où la plupart des commerces avaient rouvert.
Mais le nouveau ministre égyptien de la Culture, Gaber Asfour, a annoncé sa démission, en invoquant des "raisons médicales".
Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme et l'armée n'est intervenue contre les protestataires. Des heurts entre policiers et manifestants les premiers jours, puis entre pro et anti Moubarak le 2 février, ont cependant fait près de 300 morts, selon l'ONU et Human Rights Watch, ainsi que des milliers de blessés.