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Gouvernement d’union nationale, L’obstacle insurmontable

Le Jeu 03 jan 2013 0

L’hypothèse d’un gouvernement d’ nationale proposée à l’opposition par le Président de la République Issoufou Mahamadou et évoquée par le Président de l’Assemblée Nationale Hama Amadou dans son discours de clôture de la deuxième session ordinaire au titre de l’année 2012, est loin d’être abandonnée.

L’idée, malgré le rejet systématique de l’opposition, continue à alimenter les débats tant dans les cercles de la majorité que ceux de l’opposition, surtout après la clarification apportée par le Chef de l’Etat dans son message à la Nation du 17 décembre 2012. Si cet éclairage du Président Issoufou Mahamadou a permis de saisir la portée de sa vision, la déclaration de l’ARN du 15 décembre 2012, au-delà de la politique politicienne, a aussi mis en exergue le noeud du problème. Manifestement, le profond fossé entre les partis de la majorité et ceux de l’opposition réside dans la composition actuelle de l’Assemblée Nationale. Un véritable obstacle au consensus souhaité par le Président de la République, seul détenteur de la clé pour que l’opposition puisse ‘’franchir la porte’’ laissée grandement ouverte par le Chef de l’Etat.

Le difficile consensus ‘’Rassemblement’’, ‘’mobilisation’’ et ‘’consensus’’, tels sont les maîtres mots évoqués par le Chef de l’Etat dans son message à la Nation. Issoufou Mahamadou va au-delà des arguments invoqués par le Président de l’Assemblée nationale dans son discours de clôture des travaux de la deuxième session ordinaire du parlement, pour justifier une telle initiative. Le gouvernement d’ nationale ‘’doit prendre en charge non seulement les défis sécuritaires, notamment en rapport avec la situation au Mali, mais aussi le réarmement moral de notre société et la stabilisation d’institutions démocratiques fortes à travers la promotion de la bonne gouvernance politique et économique qui est au centre du combat que nous menons pour le progrès économique et social du pays’’, a indiqué le Président de la République.

Mais le grand rassemblement et le consensus souhaités par le Président de la République reposent sur un socle fragile. L’Histoire récente du Niger a, en effet, profondément divisé les nigériens. L’aventure du tazartché ou la prolongation du mandat du Président déchu Tandja Mamadou laisse encore deux blocs opposés qui jusqu’à une date récente ont du mal à se supporter. Tensions inutiles, sabotages, diatribes marquent l’atmosphère sociopolitique donnant l’impression d’un pays encore en crise politique et sociale. Une situation qui avait été aggravée par le rejet massif de listes de candidatures aux législatives de 2011 qui ont accouché d’une Assemblée Nationale qui souffre de déficit de représentativité nationale.

Du reste, cette préoccupation revient comme une rengaine à travers les déclarations de l’Alliance pour le Réconciliation nationale (ARN). Même si pour l’opposition ARN, dans sa déclaration du 15 décembre 2012, l’idée n’a aucune chance de prospérer, un consensus, son consensus, peut manifestement changer les données. L’ARN évoque, c’est vrai, à juste titre, les dispositions de la Constitution, de la charte des partis politiques et du statut de l’opposition pour fonder son refus de participer à un gouvernement d’ nationale. Elle considère également cette proposition du Président de la République comme une ‘’invite de mise en quarantaine de la démocratie et de cette tentative d’instrumentalisation du peuple nigérien’’.

Mais, en filigrane, dans la déclaration de l’ARN, la préoccupation centrale et permanente est aussi la reprise des élections législatives. En effet, l’opposition ARN a, à plusieurs reprises, dans ses déclarations, rappelé les propos tenus par le Vice-président du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS-Tarayya), Bazoum Mohamed, à la veille des élections législatives couplées aux présidentielles de 2011 qui ont enregistré un rejet massif de 663 listes de candidatures sur 1190, par le Conseil Constitutionnel de Transition suite à des manquements constatés sur les listes. «Si nous partons dans ces conditions aux élections, les institutions qui en seront issues ne seront ni représentatives, ni crédibles, ni légitimes», a déclaré Bazoum Mohamed à l’époque.

Une déclaration qu’aime rappeler l’opposition ARN et qui constitue manifestement la principale pomme de discorde qui empêche à l’opposition et à la majorité de regarder dans une même direction, même sur l’essentiel. ‘’La Constitution, ayant consacré le régime semi- présidentiel, le gouvernement peut, par conséquent, être remanié, démis légalement. L’Assemblée Nationale peut provoquer une recomposition de la majorité ou être dissoute pour avoir une représentation parlementaire plus représentative à même de refléter la configuration politique nationale. Le gouvernement peut être également recomposé à l’issue d’une motion de censure consacrée par la Constitution’’ telles sont les alternatives que propose l’ARN au Président de la République, en réponse à son invite d’une participation à un gouvernement d’ nationale.

Le Président de la République franchira- t-il le rubicond ? La mobilisation et le consensus que le Président de la République Issoufou Mahamadou souhaite de toutes ses forces peuvent-ils se réaliser sans le consensus minimal avec l’opposition ? Le vrai obstacle au consensus sera-t-il surmonté ? Pas évident ! Le Président Issoufou Mahamadou n’est visiblement pas prêt à franchir le rubicond. Traumatisé par la crise politique de 1994 au sein de l’Alliance pour les Forces du Changement (AFC) qui a conduit le Niger au coup d’Etat du Général Ibrahim Maïnassara Baré et préoccupé par la situation au nord du Mali voisin, le Président Issoufou ne voudrait manifestement pas être au centre d’une nouvelle aventure aux contours incertains. En effet, la dissolution de l’Assemblée Nationale pour être plus représentative et lui donner les chances d’être une institution forte et crédible serait un véritable saut dans l’inconnu qui ne peut pas manquer de donner des frissons au Président de la République.

D’une part, ses craintes peuvent être fondées sur l’évidente accusation des principaux alliés du PNDS, à savoir le MODEN-Lumana, l’UDR-Tabbat et l’ANDP-Zaman Lahiya, qui crieraient à la trahison et d’autre part la crainte de ne pas retrouver une nouvelle majorité et d’être mis en cohabitation. Dans tous les cas, l’énigme n’est pas mince et incite à la prudence et à des calculs politiques. Mais la réalité de l’Assemblée Nationale et de l’atmosphère politique est aussi là. Malgré l’investissement du Chef de l’Etat et de son gouvernement à répondre aux engagements pris par le Président de la République dans son programme de renaissance, avec beaucoup de succès, malgré la manne financière importante mobilisée par le Niger au cours de ces deux premières années du mandat du Président de la République, malgré aussi la crédibilité retrouvée sur la scène internationale, une sorte de crise artificielle est savamment entretenue au sein de la classe politique nationale, donnant l’impression d’un échec qu’on ne peut valablement justifier sur le terrain des engagements pris.

C’est certainement en réponse à ce climat que le Président de la République a cru nécessaire de proposer un gouvernement d’ nationale. Si l’idée n’a pas prospéré au niveau de l’opposition, un autre consensus qui ne ferait l’objet d’aucune controverse, si telle est la volonté de la classe politique toute entière, est possible. Une dissolution de l’Assemblée Nationale afin de donner une meilleure représentativité au parlement nigérien. Plus on avance, plus le Président de la République risque de s’éloigner de cette alternative, qu’il aurait pu adopter plus tôt, pour ainsi éviter de trainer jusqu’à la fin de son mandat un péché qui entache notre démocratie et l’une de ses institutions les plus fondamentales. L’aventure, il est vrai, semble être porteuse de risques pour le pouvoir en place.

Mais de l’épreuve s’en sortiront incontestablement grandis le Niger et son Président qui donnera, à coup sûr, de nouvelles chances à son gouvernement de trouver une majorité confortable pour gouverner. C’est l’alternative qui sied actuellement et autour de laquelle peut se réaliser rapidement un consensus. A défaut, le Président de la République se contentera de remanier son gouvernement pour donner une nouvelle impulsion à l’action gouvernementale, en attendant le moment opportun pour cette alternative incontournable et qui est une conviction profonde du Président Issoufou Mahamadou qui plaide pour des institutions fortes et crédibles. Une conviction contrariée pour l’instant par des contraintes réelles mais aussi et surtout par des considérations subjectives.

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