M. le ministre d'Etat, est-ce que l'on peut s'attendre à une montée de l'exploitation minière dans les années à venir au Niger ?
Bien sûr. La Société des Mines d'Azelick (SOMINA), qui a produit ses premiers 100 tonnes en 2011, va produire 300 tonnes cette année avant d'atteindre sa production nominale de 700 tonnes dans les deux (2) années à venir. Le grand projet d'Imouraren, qui connait quelques remous sociaux, que nous souhaitons passagers, monte progressivement en puissance. La production de 5000 tonnes d'uranium par an va démarrer, selon les informations qui nous sont fournies, en fin 2014. Sa mise en exploitation va nous permettre de doubler notre production en uranium, et pour le moins, conserver notre rang mondial. Toujours concernant l'uranium, le gisement de Madaouella, dont les réserves ont augmenté suite aux travaux de sondage de Goviex, est en phase d'étude de préfaisabilité. On table sur une production de 1240 tonnes pendant 15 ans. Dans le domaine du charbon, l'étude de faisabilité du gisement de Salkadamna est attendue incessamment. Les différents projets de cimenterie de Kao, Garadoua, etc. sont en cours.
Vous avez récemment effectué des visites sur les différents sites miniers du Nord de notre pays. Quel bilan tirez-vous de ce déplacement sur le terrain ?
Du 11 au 13 janvier dernier, nous avions effectué une mission dans la première région minière du pays, qu'est Agadez. Celle mission nous a successivement conduit à la COMINAK, à la SOMAIR, à IMOURAREN, à la SOMINA et à Agadez ville. Ce déplacement, hautement salué par les responsables de ces sociétés et leurs personnels, a été pour nous une belle occasion pour découvrir les situations réelles dans lesquelles se trouve chacune des sociétés visitées. A chaque étape, après une présentation de la société, nous avons effectué des visites à la mine et sur les installations de traitement du minerai. Nous avons ensuite eu des échanges fructueux avec les représentants du personnel de la société.
A Arlit, nous avons également rencontré la société civile. Tout ceci nous a permis de bien appréhender la situation de chacune de ces sociétés minières visitées, ainsi que les conditions dans lesquelles se trouvent les employés et leurs familles. Nous avons, au cours de chaque rencontre, rappelé que les ressources dont regorge notre sous-sol doivent avant tout profiter à nos populations. Pour cela, chaque acteur, doit redoubler d'efforts pour une exploitation plus optimale de nos ressources.
Notre passage à Imouraren nous a permis de constater que, contrairement à ce qui se dit sur certaines ondes, les travaux d'exploitation sur ce gisement d'uranium se déroulent normalement depuis septembre 2011. Les questions liées à la sécurité des travailleurs dans ces mines et des populations des villes induites, et celles liées à la question environnementale ont été évoquées tout au long de notre déplacement. Nous avons également effectué des visites au niveau des services déconcentrés de mon département ministériel, à savoir la direction départementale d'Arlit et la direction régionale d'Agadez. Ces visites nous ont permis d'apprécier les conditions difficiles dans lesquelles se trouvent ces structures.
La visite à l'Ecole des Mines de l'Aïr (EMAIR) nous a permis d'apprécier la situation réelle de cette école qui, rappelons-le, a connu des moments très glorieux. En conclusion, notre mission dans les différents sites miniers du nord a été couronnée de succès. Très saluée par les travailleurs des sociétés minières et des populations, une telle mission, au moins une fois par an, permettrait certainement d'améliorer les conditions de travail et la productivité au niveau de ces sociétés minières.
Le gouvernement a annoncé cette année une revalorisation du prix du kilogramme de l'uranium. Comment cette prouesse a-t-elle pu être réalisée malgré le désastre nucléaire de Fukoshima ?
Il est vrai qu'après l'accident de Fukushima et la baisse consécutive des cours de l'uranium, il n'était pas évident d'obtenir une revalorisation des prix de l'uranium. Les sociétés minières, dans leur simulation pour 2012, ont même anticipé une baisse du prix du kilogramme qu'elles situent à 65 000 FCFA. Mais disons, sans fausse modestie, qu'avec mon équipe, nous avons bien préparé et bien mené les négociations. Ce nouveau prix nous permet d'espérer des recettes supplémentaires de l'ordre de 8 milliards par rapport au prix de 70 000 francs CFA le kilogramme. Il faut noter, et c'est très important, que les prix seront désormais libellés en euros, ce qui a un énorme impact sur notre balance de paiement, l'uranium contribuant à près de 70% de nos recettes d'exportation. Cependant, le prix de 73 000 FCFA le kilogramme (111,29 euros), nettement au-dessus du cours actuel au niveau international (66 700 FCFA/kg soit 101,67 euros le kg) constitue une gêne passagère pour la commercialisation par Sopamin de notre quote-part d'enlèvement d'uranium. Mais c'est un choix à faire.
M. le ministre d'Etat, l'exploitation de la mine de Imouraren, qui sera la plus grande mine à ciel ouvert en Afrique de l'Ouest, est prévue pour 2014. Est-ce que, malgré les atermoiements que ce dossier a connus, vous restez optimiste?
Oui, je suis, et je reste tout à fait optimiste. Vous savez, il s'agit d'un grand projet, l'un des quatre (4) plus grands projets dans le domaine de l'uranium, les autres étant au Canada, en Australie et au Khazakstan. Tous ces projets, qui ont démarré presque en même temps, ont connu des aléas et tous ont connu des retards importants. En ce qui concerne Imouraren, après les travaux préliminaires (route, aérodrome, carreau, mines, etc), la construction est entrée dans la phase des travaux préparatoires (infrastructures d'accueil) et des travaux principaux (mines). Les investissements prévus pour 2012 s'élèvent à près de 240 milliards, contre des dépenses cumulées de l'ordre de 290 milliards, soit un total en fin d'année, de 530 milliards représentant 50 à 60% des investissements totaux du projet. C'est dire que nous sommes bien avancés, et que le projet est proche du point de non-retour.
Beaucoup de compatriotes pensent que l'exploitation de certains secteurs, comme celui de l'or, ne génère pas de plus-value pour le Niger. Est-ce que, selon vous, cette assertion est fondée ?
Oui et non. En effet, les retombées de l'exploitation de l'or sont en deçà de l'attente de nos compatriotes. La production de l'or a commencé en 2004 et nos recettes cumulées sont d'un peu plus de 13,4 milliards en 8 ans, soit en moyenne 1,7 milliard. De 2 milliards de FCFA en 2008 et 2009, elles sont passées à 2.6 milliards en 2010. Elles représentent 4 à 5% du montant total de nos recettes issues du secteur minier. Les Nigériens s'attendent naturellement à plus. Par ailleurs, je sais que beaucoup a été dit et écrit sur ce sujet de l'exploitation de l'or au Niger. Des enquêtes y ont été diligentées. Les autorités de la 7ème République ont, quant à elles, mis en place un comité qui est à pied d'œuvre pour passer en revue la gestion de l'ensemble de nos sociétés minières. L'objectif est d'augmenter nos recettes. Il faut cependant noter qu'au-delà d'éventuels problèmes de gestion qui ont dû avoir des impacts sur nos recettes, nous n'avons qu'une seule mine d'or en production, et que le gisement de Samira est de taille modeste et de faible teneur. Notre production, pour 2011, est d'un peu moins de 15 tonnes contre 30 tonnes pour le Burkina qui compte 6 mines et 42 tonnes pour le Mali qui a 9 mines en production.
M. le ministre d'Etat, qu'est-ce qui freine aujourd'hui le développement industriel au Niger ?
Plusieurs facteurs y concourent. L'absence de politique, stratégie et plan de développement industriels, et aussi d'un dispositif spécifique au financement de l'industrie. De l'indépendance à nos jours, l'Etat n'a ni créé, ni alimenté un fonds dédié à l'industrie, alors que dans certains pays de l'UEMOA, il existe une politique nationale et un schéma directeur d'industrialisation. On ne peut pas parler d'industrialisation tant que les infrastructures de base et des mesures hardies de soutien ne sont pas mises en place. Il y a aussi l'enclavement de notre pays, ainsi que certains facteurs liés aux aléas climatiques. La position géographique de notre pays n'encourage pas les investisseurs à s'installer pour créer des industries manufacturières du fait du manque de compétitivité face aux autres produits similaires de l'espace UEMOA et ou de la CEDEAO.
Malgré les multiples réformes et actions entreprises en vue de favoriser son expansion, le secteur industriel nigérien reste encore embryonnaire. Les contre-performances du secteur industriel s'expliquent également en partie par le fait que le désengagement de l'Etat des activités productives et commerciales et la libéralisation de l'économie ont été effectués sans que des mesures d'accompagnement soient prises pour soutenir le secteur privé en termes de mesures juridiques, fiscales et de politique de financement. Ainsi, le développement industriel fait face à plusieurs obstacles, notamment l'étroitesse du marché intérieur et les importations frauduleuses; la vulnérabilité de la base de production; l'insuffisance des ressources financières des promoteurs et le coût élevé des emprunts pour des investissements industriels; les coûts élevés des facteurs: énergie, transports; la faiblesse des capacités managériales du secteur privé; l'enclavement du pays, impactant aussi bien l'acheminement des intrants et équipements, que l'exportation de la production;
la faiblesse des investissements directs étrangers; le faible niveau de professionnalisme, du dynamisme et de développement des ressources humaines; et l'absence d'une tradition et d'un esprit industriel des opérateurs économiques nigériens. Pour y remédier, le gouvernement s'atèle à l'élaboration d'une politique industrielle nationale, suivie d'un plan d'action; la révision du code des investissements ; la réhabilitation de la zone industrielle de Niamey la création d'une zone industrielle à Maradi; et la mise en place d'un fonds de restructuration et de mise à niveau des entreprises.