C'est l'infraction douanière la plus grave doublée d'un délit d'initié. Les modes opératoires Un système, comme on dit, ne vaut que par les hommes qui l'animent. Il s'agit donc de placer les hommes qu'il faut à la place qu'il faut. A l'occasion des nominations et affectations, les décideurs tissent une véritable toile d'araignée autour du circuit d'importation en plaçant leurs hommes de mains à des places stratégiques. Une fois le dispositif mis en place, les opérations peuvent se dérouler le plus tranquillement à travers les bureaux intervenants (les bureaux d'entrée et les bureaux de sortie avec des bureaux intermédiaires pour brouiller les pistes). Le reversement concerne principalement les marchandisessupposées être en destination du Nigeria, du Tchad, du Mali, du Burkina Faso, des pays du Maghreb et des quelques rares cas du Bénin (matériel d'entreprise).
Les marchandises circulent en principe sous le couvert de deux documents : le carnet de transit ou la déclaration de réexportation. Le carnet de transit va à destination d'un bureau intermédiaire avant d'être transmis par une déclaration de réexportation. L'autre technique est la mise des marchandises en entrepôt pour soit disant être réexportées mais elles ne sortent jamais dans la plupart des cas (tissus imprimés, alcool, cigarettes, assaisonnement et divers). Les principaux bureaux intervenant dans ce processus sont les bureaux de Gaya, Dan Issa, Torodi, Ayorou, Téra, Magaria, Matamey, Douméga, Konni, Banibangou.
C'est à ces bureaux qu'il faut placer les hommes de confiance qu'il faut pour conduire les opérations. Tous ces bureaux envoient des marchandises en direction de Niamey qui est un centre de convergence et surtout un centre de grande consommation où tout peut se perdre très facilement. Pour le cas des marchandises déclarées pour le Nigeria, elles ne sont jamais conduites à destination et sont stockées dans une localité nigérienne frontalière où la plupart prennent le sens inverse : c'est pourquoi le Bazin, le Lech et les pagnes wax coûtent moins cher à Maradi et à Zinder qu'à Konni ou au Nigeria. Donc la plupart des marchandises destinées au Mali, au Burkina ou en Algérie, les carnets sont levés pour Niamey (bureau intermédiaire où s'ef fectue le brouillage) qui, en principe, doit faire une déclaration de réexportation.
Que ce soit un carnet de transit ou Le gouvernement s'attaque à l'un des plus gros circuits mafieux de la douane une déclaration de réexportation, la marchandise ne quitte jamais Niamey dans la plupart des cas ; seuls les documents circulent. L'agent qui devait accompagner la marchandise est un homme totalement dévoué au réseau qui quitte le bureau avec un ordre de mission en bonne et due forme avec le camion au cas où il se trouve dans l'enceinte du bureau (pour mettre la poudre aux yeux des usagers et des autres agents) pour le conduire directement au magasin de l'importateur. Pour les réexportations en suite d'entrepôt, l'opération est d'autant plus facilitée que la marchandise est hors de la vue des curieux.
Ce sont des opérations extrêmement planifiées dans un milieu où prévaut la loi du silence. On convoque généralement le chef du bureau par lequel la marchandise est sensée transitée (la dernière escale) à Niamey pour signer les documents y afférents. Ses agents ne sauront jamais ce qui s'est passé. Ni vu, ni connu ! Chacun prend sa part du butin. Des milliards s'envolent de cette façon avec la complicité et sous la conduite des hauts responsables car aucun agent aussi téméraire soit-il ne peut engager une telle opération sans l'aval de la haute autorité. La situation s'est empirée ces dernières années notamment dans le domaine des hydrocarbures où le scandale sur ce genre de marchandises risque d'éclabousser beaucoup de monde. Prenons par exemple une petite période de moins de trois mois, du 12 juillet 2010 au 04 octobre 2010.
Pendant cette période, trente (30) camions citernes (pour ceux qui ont pu être enregistrés) ont quitté les bureaux frontaliers du Nigeria pour, soit disant, le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire et d'autres destinés à des opérateurs locaux, transportant une quantité de 1.522.000 litres. Cette opération pouvait passer inaperçue si certaines irrégularités n'avaient pas présidé à la bonne marche des opérations. 1. Les hydrocarbures étant classés dans la catégorie des marchandises hautement sensibles, stratégiques donc faisant partie de la catégorie des marchandises prohibées, l'importation, la circulation, la détention sont soumises à des règles particulières. C'est ainsi que même la SONIDEP, qui a le monopole des hydrocarbures sur l'ensemble du territoire national et même étant une société d'Etat, a toujours levé des autorisations pour l'importation de ce type de marchandise.
Or, pour le cas d'espèce, aucun des camions n'avait l'autorisation d'importation ; ce qui, d'office, les expose à une infraction qualifiée d'introduction frauduleuse de marchandises prohibées en violation des dispositions de l'article 20 du Code des Douanes, infraction prévue par l'article 197 a) du Code des Douanes. Sur chaque camion citerne introduit dans ces conditions ce sont quelques 71.340.000 FCFA qui s'échappent à l'Etat. Donc pour la période citée plus haut, le montant est effarent : 2.420.000.000 FCFA. 2. Ces camions, pour la plupart, ne serait-ce que pour les besoins des statistiques, sont inconnus de la SONIDEP et sortent pour la plupart sans escorte douanière ou escortés par le chef du bureau en personne, alors qu'ils ne peuvent quitter le bureau que sous couvert d'une déclaration de réexportation dans la mesure où ils sont destinés à un pays tiers.
De façon globale, le reversement est devenu tel que se sont les spécialistes de cette pratique qui domaine les importations. Les autres commerçants, même les plus grands grossistes comme Houdou Younoussa, sont de fois contraints de se ravitailler auprès d'eux. Pour le commerce des hydrocarbures, ils concurrencent allégrement la SONIDEP dans le ravitaillement des stations d'essence même dans la capitale. Le gouvernement aura-t-il la capacité et la détermination d'aller jusqu'au bout en démentiellement le système de reversement qui fait perdre à l'Etat des dizaines voire des centaines de milliards de francs annuellement ?
Avec l'histoire des comptes bancaires des agents des douanes biens garnis dans lesquels le gouvernement a tenté de jeter un coup d'oeil, on a vu comment les douaniers sont capables de défendre leurs intérêts acquis et de faire reculer le gouvernement. En sera-t-il de même cette fois aussi ? En tout cas, le Syndicat National des Agents des Douanes (SNAD) a ce mercredi 07 mars 2012 rendu public une déclaration pour sonner la mobilisation générale. Les jours à venir nous édifieront.