Reversements frauduleux de marchandises en transit : Qui doit, en premier, assumer la responsabilité ?

Le Lun 12 mars 2012 0

Par I.K

chambrecommerce1.jpgEn cas de fraude douanière, la responsabilité de la Chambre de commerce, vis-à-vis de l'Etat, est engagée. C'est à la Chambre de commerce de versé à l'Etat les droits compromis et les pénalités qui en découlent.

 Depuis 1965, en effet, l'Etat a institué, par décret, un prélèvement parafiscal, sur toute marchandise importée, à versé à la Chambre de commerce, pour que l'argent collecté serve de garantie en cas de manquement de la par des importateurs. En y souscrivant, les importateurs prennent une sorte d'assurance pour couvrir, vis-à-vis de l'Etat, leurs opérations. La Chambre de commerce, qui est l'assureur, se doit donc de désintéresser l'Etat quitte, par la suite, de régler le différent entre elle et l'opérateur économique concerné.

Mais en fait, qu'advient-il de la somme astronomique encaissée entre 1965 et 2012 par la Chambre de commerce ? A la lumière des récents événements qui ont conduit à l'arrestation d'une dizaine de personnes parmi lesquelles on compte des Douaniers notamment tous les agents et Chef de bureau de Douane de Téra, les commerçants, transitaires et les Chefs des bureaux de Douane de Torodi, Gaya et Dan Issa, il y a lieu de se poser quelques questions sur les mécanismes et les procédures qui régissent le transit au Niger. Au regard du Décret 65-061 du 30 avril 1965, on découvre que l'Etat a institué un prélèvement parafiscal d'un taux de 0,25% de la valeur des marchandises désignées pour le transit.

Le fonds est appelé " Fonds de garantie " et comme son nom l'indique, il est destiné à alimenter une caisse censée jouer le rôle de garantie en cas de fraude ou de faute douanière ou fiscale lors du transit. Pour créer ce fonds, l'Etat a décidé de donner à la Chambre de Commerce l'autorisation nécessaire pour que celle-ci serve de bouclier aux soumissionnaires en douane en tant que garante des acquits de transit. Donc, lorsqu'un opérateur de transit se présente à la douane frontalière avec ses marchandises, il adhère automatiquement au mécanisme de garantie en achetant le carnet de transit routier (CTR) que la Chambre de Commerce a confectionné et placé en vente au poste frontalier. Ce formulaire est vendu à 1.500 FCFA.

Après avoir acheté le CTR, l'opérateur est ensuite soumis au paiement d'une cotisation, les fameux 0,25 % de la valeur de sa cargaison, et devient de plein droit membre du fonds de garantie. Les montants recouvrés par la Douane sont reversés dans le compte de la Chambre de Commerce périodiquement. Sachant que toute marchandise qui entre ou sort de notre pays est soumise à cette procédure, on imagine facilement que ce sont des sommes faramineuses qui sont collectées par la Douane car les importations annuelles représentent des dizaines de milliers de milliards de FCFA. La Douane joue, en matière de transit, un rôle de caissier ; elle collecte, centralise et verse au profit de la Chambre de Commerce les montants de ventes des imprimés de CTR et de la cotisation de 0,25 % au fonds de garantie.

Pour le reste, le fonds est versé dans un compte de dépôt du trésor destiné à garantir les créances du trésor résultant des droits, taxes et pénalités à payer. A partir du moment où l'opérateur de transit a adhéré au fonds de garantie, celui-ci dégage sa responsabilité personnelle selon les termes du Décret précité. C'est à la Chambre de Commerce qu'il revient le devoir d'assumer toutes les obligations liées aux irrégularités constatées à l'égard d'un de ses membres conformément à l'article 4 de la Convention signée entre l'Etat du Niger et la Chambre de Commerce et annexée au décret, qui stipule que : " Le simple versement effectué pour une opération de transit déterminée, engage la responsabilité du fonds en tant que caution envers le trésor ".

Les obligations qui engagent la responsabilité du Fonds de garantie peuvent se rapporter à l'inexécution totale ou partielle des engagements souscrits par ses membres à l'occasion d'une opération de transit. Autrement dit, tout manquement ou tout acte non conforme relevé dans la procédure de transit de nature à constituer une violation de la loi. En fait, l'idée de créer un fonds de garantie à travers le Décret cité plus haut traduisait à l'époque la volonté de l'Etat de ne prendre aucun risque en laissant des marchandises entre des mains inconnues circuler librement sur le territoire national sans garantie. Pour cette raison, tous les risques étaient depuis lors imputés au Fonds de garantie sous la responsabilité de la Chambre de Commerce.

Comme on le voit, le transit s'effectue avec un document appelé CTR élaboré et placé par la Chambre de Commerce au niveau des postes de douanes. La fraude est fréquente en matière commerciale mais c'était justement pour pallier cette question de fraude que l'Etat n'avait pas eu confiance aux opérateurs de transit pris individuellement en décidant de leur créer un cadre de garantie collective. Pourquoi alors s'interroger aujourd'hui en 2012 sur la fraude en matière de transit perçue comme un nouveau phénomène exactement comme si la solution n'existe pas depuis 1965 ?

Pourquoi l'Etat se retourne-t-il contre les transitaires, commerçants et Douaniers au lieu de mettre en jeu la responsabilité du Fonds de garantie ? Est-ce que le Fonds de garantie n'est plus opérationnel ou a-til été détourné de sa fonction initiale et dans ce cas, que deviennent les textes en vigueur ? Pourquoi la Chambre de Commerce se tait et garde un silence coupable quand sa propre responsabilité est engagée ? Que l'Etat se plaigne de la fraude organisée en matière de transit, çà, on peut le comprendre et l'admettre. Mais que l'Etat cherche à imputer la responsabilité sur des boucs émissaires, çà on doit le refuser et le dénoncer !

Et pendant que nous y sommes, quel est le montant des recouvrements effectués par la Douane au titre du Fonds de garantie et que deviennent les sommes astronomiques encaissées de 1965 à 2012 ? Poursuivre un opérateur de transit qui a régulièrement adhéré au Fonds de garantie, n'est-ce pas de la concussion, de l'escroquerie ou tout au moins un abus manifeste d'autorité en violation de la loi ? Si des reversements frauduleux sont constatés et établis, c'est une infraction punissable sans l'ombre d'aucun doute. Mais qui faut-il poursuivre, qui doit poursuivre et qui doit payer dans le cas d'espèce ?

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